Pasadena mon amour

Crédit Photo : JM. Lobbé

Crédit Photo : JM. Lobbé

Ca commence dans un salon bourgeois, ni trop grand ni trop petit. On s’installe dans les canapés, on grimpe sur un fauteuil, on prend place côté cuisine ou côté chambre. Ils sont déjà là, ceux qui vivent ici. Ils sont là et attendent tranquillement que l’on arrive, que l’on soit prêts, que l’on soit tout à eux.

Ca y est, on est chez eux. On est là. Attentifs. Prêts à être engloutis. Le père, la mère, le fils, la fille. Ils reviennent du théâtre et commentent leur soirée. Normalement quoi, comme dans une famille normale. Sauf que non. Sauf que là, ça va partir en vrille. Le père chef d’entreprise voit son entreprise péricliter. La mère a quitté sa carrière de comédienne pour se consacrer à ses enfants. Les enfants, eux, il faut bien qu’ils aient leurs failles, aussi : Ellen a perdu son enfant à trois ans. Elle aurait pu s’en remettre, elle est devenue alcoolique. Thomas est autiste. Alors la pièce qu’ils ont vue disparaît vite, très vite, derrière les frustrations et les névroses qui explosent peu à peu. Non-dits, culpabilité, solitude, souffrances : le quatuor familial, le modèle de famille se transforme en un huis-clos sanglant où se déchiquètent sous nos yeux quatre personnages tour à tour lâches, faibles, désespérés, cruels ou innocents. Les dialogues sont acérés comme des lames aussi aigües que brulantes. Une famille normale, quoi : on se déchire, on ne se parle pas, ou pas assez, ou mal. On ferme les yeux, on essaie d’oublier. On regarde ailleurs de peur de croiser dans le regard de l’autre ce miroir qui nous fait si peur. On dit les mots qui tuent parce que l’on a été soi-même tué, un jour. Alors on frappe. On frappe. On ne sait plus aimer alors on perpétue. La nuit est longue aux âmes torturées. Les mots viennent gifler le spectateur autant que les frôlements des comédiens qui viennent s’installer sur un accoudoir, s’agenouiller devant un fauteuil. Le contraste entre la proximité comédiens / spectateurs et la violence sourde de la pièce n’en est que plus percutant. La mise en scène est brillante et le jeune Philippe Barronet est clairement à suivre. Cette première mise en scène est une très grande réussite. Et s’il faut évidemment parler du jeu d’une grande justesse des quatre comédiens, il me faut aussi évoquer les lumières. Sans flagornerie, sans exagération, les feux tantôt vifs, tantôt blafards, les ombres crépusculaires ou brûlantes qui viennent irradier le visage de Ellen, quand elle se terre pour boire, la pâleur de la nuit qui épouse et englobe les réveils et les confidences nocturnes, l’aube vacillante à peine apaisée qui vient clotûrer la pièce comme un voile se dépose pour atténuer la violence des heures passées font partie intégrante de la réussite de la mise en scène.

Bobby Ficher vit à Pasadena

Lars Noren – Mise en scène de Laurent Baronnet

Avec Elya Birman Samuel Churin, Nine de Montal, Camille de Sablet

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Une réflexion sur “Pasadena mon amour

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