Qui a peur de Virginia Woolf, après des débuts à New York en 1962 a été immortalisé à l’écran par Mike Nichols avec Elizabeth Taylor et Richard Burton dans les rôles principaux. Mais c’est avant tout une pièce cruelle d’Edward Albee, un huis-clos oppressant entre Martha et George, mariés depuis plus de 20 ans, et Honey et Rick un jeune couple qui vient de s’installer dans l’université où George et Nick enseignent. Nous sommes dans les années 60, il est plus de deux heures du matin et tous ont déjà bu plus que de raison. La réception anodine se transforme en règlement de comptes violent où les non-dits et les sarcasmes s’emballent en une spirale infernale jusqu’au petit matin.
Un texte violent et cruel où s’enlisent quatre personnages tous troubles sous des apparences trompeuses. Sous l’emprise de l’alcool et des frustrations révélées naissent les piques et les sarcasmes qui transforment le paisible after en une foire d’empoigne qui ne laissera personne indemne. L’excellent Wladimir Yordanoff (George) occupe l’espace et la scène : au départ universitaire paisible, il va se révéler glaçant et cynique au fil de la soirée. Le comédien, très juste, parvient à révéler les failles et la violence ensevelie d’un homme blessé qui assène les coups verbaux comme des vengeances enfin libérées. A ces côtés, Dominique Valadié est une Martha plus retenue dont la violence est davantage intériorisée que physique. Si j’attendais chez Martha plus de déferlement bouillonnant, elle n’en demeure pas moins très juste elle aussi. Julia Faure et Pierre-François Garel proposent un jeune couple naïf et plein d’illusions qui sous des dehors innocents se révèlera lui aussi plein de rancœurs et de frustrations.

photo D. Maes
Le décor, très sobre et minimaliste, et la mise en scène d’Alain Françon sont au pur service du texte : pas d’effet, pas de bluff, pas d’exagération : servir le texte, le mettre en exergue, lui réserver un écrin aussi discret que valorisant, telle est la volonté du metteur en scène. Un texte fort, souvent cruellement drôle qui, malgré quelques longueurs finales, dresse un portrait saisissant d’une certaine middle-class américaine qui pourrait être aussi le miroir de la société de Mrs Dalloway. Et, dans les deux cas, des personnages qui au final ont surtout peur de ce qu’ils sont devenus.

Photo D. Maes
Qui a peur de Virginia Woolf ? Edward Albee
Mise en scène Alain Françon
Avec : Dominique Valadié, Wladimir Yordanoff, Julia Faure et Pierre-François Garel
Théâtre de l’œuvre
Jusqu’au 3 avril 2016
Réservations au 01.44.53.88.88