Les chatouilles c’est l’histoire d’Odette. Odette a huit ans et rêve de devenir danseuse étoile. Gilbert, un ami de ses parents, l’invite à jouer aux chatouilles. Des chatouilles pas comme les autres, des chatouilles enfermés dans la salle de bain quand Gilbert jouera à la poupée avec Odette, des chatouilles qui seront comme un secret entre Odette et Gilbert, un secret qui durera 4 ans.
Voilà tout ce que je recherche au théâtre : être étonnée, bluffée, remuée. Toucher du bout des doigts d’autres vies, d’autres histoires, d’autres destins. Ne plus être moi-même mais devenir une autre, un autre, des autres. Le seule-en-scène d’Andréa Bescond a chatouillé plus d’une strate de moi-même avec cette danse de la colère.
Alternant récit et danse, passant d’un personnage à l’autre avec une clarté et une aisance déconcertantes (elle incarne successivement Odette, bien sûr, mais aussi Gilbert, sa mère, sa professeur de danse, un policier, Rudolf Noureev et plein d’autres…) Andréa Bescond nous embarque, nous fait sourire aussi, parce le rire aide à survivre, surtout en cas de désespoir : le récit est saupoudré d’interventions drôles et touchantes de personnages annexes comme la professeur de danse à l’accent très provincial ou le gendarme qui sera trop content de coincer enfin Gilbert, pédophile connu de ses services.
Andréa Bescond nous entraine donc dans la spirale bouleversante du destin d’Odette. De la danse comme exutoire, de la colère extérieure qui pousse Odette à l’errance, à l’autodestruction, aux rêves brisés, aux auditions, aux amants, à la drogue, de la rage intérieure parce que sa mère n’a rien voulu voir, ni entendre, on traverse ce destin fait de douleurs, de déni, de quelques rares étincelles de bonheur, de colère jusqu’à la résilience finale, le procès, la renaissance.
Le décor inexistant (une simple chaise) et la mise en scène brillamment sobre d’Eric Métayer s’effacent pour laisser place au texte, aux mots percutants, directs, au corps d’Andréa Bescond et à toutes les émotions pleines de rages et pourtant si pudiques qu’elle transmet par la danse. Des émotions qui rivent les spectateurs aux fauteuils et au final les font se lever, d’un seul corps, tandis que les larmes perlent à leurs yeux.
N’ayez pas peur du bonheur, dit la chanson finale. N’ayez pas peur, non, et entrez dans la danse d’Andréa, laissez-vous aspirer. C’est pour ça que le théâtre existe.
Les chatouilles, ou la danse de la colère – Andréa Bescond
Théâtre Montparnasse
Mise en scène : Éric Métayer
Avec : Andréa Bescond
Lumières : Jean‑Yves de Saint‑Fuscien
Son : Vincent Lustaud
Une superbe interprétation pour un texte très fort et nécessaire !
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