Si Harold Pinter est considéré comme le maître du théâtre anglais contemporain, avec Beckett ou Bond, si certaines de ces pièces sont devenues célèbres comme Betrayals (Trahisons), The birthday party (L’anniversaire), The gardian (Le gardien) , ou ses scénarios restés dans les annales (The servant, Le dernier Nabab, La maîtresse du lieutenant français), Old times (C’était hier) est une pièce pour le moins absconse.
Avec Old times, le Prix Nobel de Littérature 2005 met en scène Deeley (Emmanuel Salinger) et sa femme Kate (Marianne Denicourt) qui attendent Anna (Adèle Haenel), la meilleure amie de Kate. Ou plutôt sa plus vieille amie. Ou sa seule amie. On ne saura pas vraiment qui était Anna pour Kate. Le couple attend sereinement son invitée en devisant. Kate ne semble pas vraiment pressée de retrouver Anna, Deeley semble curieux. Autour d’eux, tel un fantôme invisible, tourne Anna. Elle est déjà là, ou bien est-ce son fantôme, ou bien ne l’attendent-ils pas vraiment ?
Le texte est elliptique, fait de silences et de retours en arrière, de conversations entrecoupées et de monologues énigmatiques. Au fil des sauts dans le passé se dessine peu à peu une esquisse de la jeunesse de Kate et Anna, l’ombre d’une vieille attirance de Deeley pour Anna. Trop elliptique cependant pour maintenir l’attention du spectateur qui est vite perdu dans cette histoire déroutante et ses nombreux trous noirs. On a beau essayer de s’immerger dans ce trio, de prendre part à leurs souvenirs, aucune empathie ne vient s’emparer du spectateur qui reste sur le bas-côté sans se sentir concerné.
Une histoire trop imperméable qui malheureusement n’est pas suffisamment compensée par le jeu, pourtant juste et judicieusement distancié des comédiens. La mise en scène de Benoît Giros est fluide, élégante, elle permet aux comédiens de laisser libre cours à leurs personnages, et la scénographie est très réussie : les tons bleus et gris, les projections sur la grande baie vitrée, quelques vidéos projetées sur un rideau translucide au début de la pièce, donnent un très, très bel effet d’estompe et d’ombres bien adapté à la pièce.
Néanmoins, et malgré l’esthétique raffinée et l’atmosphère élégamment brumeuse de la scénographie, le texte reste lui aussi trop nébuleux pour véritablement embarquer le spectateur. C’était hier, donc, et c’était bien étrange.
Old times, de Harold PINTER
Théâtre de l’Atelier
Texte français de Séverine MAGOIS
Mise en scène de Benoit GIROS
Avec Marianne DENICOURT, Adèle HAENEL et Emmanuel SALINGER
Réservations au 01 46 09 46 24