Antoine et Cléopâtre, ou l’épopée lancinante et sublime d’une histoire d’amour

8-cleoune

Magda Bizarro

Certains pourraient être décontenancés quand commence Antoine et Cléopâtre au Théâtre de la Bastille. Le décor est épuré, une bâche grise recouvre le sol, à cour un tourne-disque est posé sur une petite table, au fond est pendu un immense pendule, sorte de spirale de Calder, où pendent des cercles bleu et or. Le tout est surprenant : on ne sait où on est vraiment. Sofia Diaz et Victor Roriz arrivent. Vêtus de jeans et T-Shirt, ils entament alors une lente psalmodie : Sofia Diaz nous dit « Antoine dit… » et Victor Roriz nous dit « Cléopâtre dit… ». Chacun tour à tour ils prennent la parole pour délivrer la parole de l’autre. Et ce qui pourrait être déconcertant, déroutant, se met insensiblement en place : au gré du récit, au gré des mots, on se laisse bercer, entraîner, hypnotiser dans la danse d’Antoine et Cléopâtre. On se laisse embarquer dans leur monde résumé à leur amour où leurs devoirs, leurs guerres, leurs pays, ne sont des obstacles insurmontables uniquement pour les autres.

Tiago Rodrigues, qui dirige le Théâtre national Dona Maria II à Lisbonne, le dit : il s’agit ici d’une écriture inspirée de la tragédie shakespearienne, elle-même inspirée de Plutarque, accompagné d’extraits musicaux du film de Mankiewicz, tournée avec Elizabeth Taylor et Richard Burton. Une inspiration plurielle qui devient, sous une écriture a priori purement factuelle, un hypnotisant voyage, une lente et sublime mélopée dans laquelle on se laisse emporter sans résister. De laquelle on ne veut s’extraire. C’est là la magie de Tiago Rodrigues, tout comme celle de ses interprètes : avec ce récit dit à la place de l’autre, avec ces images suggérées, délivrées par une chorégraphie ralentie, minimaliste, on finit par accompagner les amants maudits comme un souffle sur leur épaule, invisibles et pourtant présents, envoutés, aspirés dans leur lente spirale de passion et de peurs, de certitudes et de passion, happés par les mots lancinants, entêtants des deux amants.

Alors on aime, oui, on aime, tout comme Tiago Rodrigues aime sans doute Antoine et Cléopâtre, tout comme Sofia Dias aime Victor Roriz, tout comme Antoine aimait Cléopâtre et Cléopâtre aimait Antoine.

Antoine et Cléopâtre. Un spectacle où l’on retient son souffle. Où l’on respire. Où l’on expire. Où l’on inspire. Doucement. Et dont on se souvient longtemps après.

Antoine et Cléopâtre.

Texte et MES Tiago Rodrigues

Avec des citations de Antoine et Cléopâtre de Shakespeare.

Avec Sofia Dias et Victor Roriz

Scénographie Angela Rocha

Théâtre de la Bastille

Jusqu’au 8 octobre

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