Il en fallait, du panache, pour écrire une pièce en alexandrins à la fin du 19ème quand Courteline, Feydeau, Sardou triomphaient avec leurs vaudevilles. Quand Ibsen faisait scandale avec sa Nora et Tchekov écrivait La mouette. Il en fallait du panache, donc, et surtout un gramme d’inconscience, un soupçon de folie, quelques mesures de déraison et des kilos de génie. Fort de ce principe, Alexis Michalik, après Le porteur d’histoires et le Cercle des illusionnistes, nous transporte à la fin du XIXème siècle, dans le Paris des comédiens et des dramaturges. Edmond Rostand, jeune auteur bourré de talent mais peu inspiré après le succès mitigé de La princesse lointaine, accepte d’écrire pour Constant Coquelin, star de l’époque. Or, de cette pièce, il n’a, à ce jour, que le titre et pas la moindre trame.
Et nous voilà plongés au cœur de la création d’un chef d’œuvre. Bien sûr, Alexis Michalik s’inspire, brode, invente un peu. Mais en mêlant vérité historique et fiction, en ajoutant des personnages soit loufoques (les frères corses) soit décalés (comme cet Anton Tchekov croisé là où on ne l’attendra certainement pas), en réécrivant l’histoire dans l’Histoire, Michalik raconte encore ici une autre formidable histoire, celle de la création, du doute, des peurs et de l’inspiration. La mise en abyme est réussie et l’on se délecte à suivre ces multiples péripéties souvent hilarantes qui font la genèse de Cyrano selon Michalik et où l’on croise avec délectation Feydeau, Courteline, Sarah Bernhardt, Maurice Ravel ou encore Mélies.
Le tout va vite, très vite, les scènes s’enchaînent et les décors s’échangent à vue avec une rapidité étonnante. C’est énergique, virevoltant, détonnant. Comme d’habitude, Michalik s’entoure d’une joyeuse troupe parfaitement investie et bourrée d’énergie : Guillaume Santou est un Rostand à la fois drôle et touchant, parfaitement crédible et ressemblant. Pierre Forest est un Coquelin truculent, Christine Bonnard, qui avait été une délicieuse Laure Gevaudan dans les Fiancés de Lôche, confirme son talent en Maria Legaut, star irascible et capricieuse, Régis Vallée est hilarant de niaiserie ou encore Jean-Michel Martial, Kevin Garnichat, Stéphanie Caillol, Valérie Vogt… Réunir des comédiens de talent ne suffit parfois pas, il faut aussi que se crée entre eux une espèce d’alchimie pour que la sauce prenne : c’est ici le cas et tous jouent avec un plaisir évident, une vraie générosité et une énergie décuplée. Un vrai travail de troupe, efficace et joyeux.
« Il ne suffit pas pour avoir du panache d’être un héros. C’est quelque chose de voltigeant, d’excessif…l’esprit de bravoure » a dit Rostand dans son discours à l’Académie Française . C’est ainsi que Michalik nous raconte cette histoire : avec bravoure, ivresse et beaucoup de panache.
Edmond
De et par Alexis Michalik
Avec Pierre Bénézit, Christine Bonnard, Stéphanie Caillol, Pierre Forest, Kevin Garnichat, Nicolas Lumbreras, Jean-Michel Martial, Anna Mihalcea, Christian Mulot, Guillaume Sentou, Régis Vallée , Valérie Vogt
Réservations au 01.42.97.40.00
Voilà une critique qui donne envie de se précipiter au théâtre du Palais Royal ! Merci Véro !
J’aimeJ’aime
Voir une piece qui parle d’amour du theatre, de gestation theatrale, et qui donne envie d’ller au theatre… aucune hesitation à avoir 😉
J’aimeJ’aime
Pingback: INTRA MUROS, Théâtre 13 Jardin -Alexis Michalik | Théâtr'elle