The notebook ou l’horreur sublimée au Théâtre Bastille

8-netune.jpg

Glaciale, mécanique et totalement impersonnelle, la plume de la hongroise Agota Kristof dans la Trilogie des jumeaux emportait le lecteur dans le sillage pessimiste et tourmenté de Claus et Lucas, deux jumeaux laissés par leur mère à la garde de leur grand-mère dans un pays en guerre. Les deux jumeaux apprenaient eux-même à survivre à la violence de la guerre, en s’infligeant volontairement brimades, coups et privations, physiques et psychiques, afin d’ériger eux-même leur propre carapace face à la sauvagerie de la guerre et des hommes. Une anesthésie à la douleur provoquée par abolition des émotions.

Avec la compagnie anglaise Forced Entertainement, le metteur en scène Tim Etchells revient au festival d’Automne avec une lecture blanche, puissante, du premier tome de la trilogie, Le grand cahier (The notebook). Tout comme chez Agota Kristof, point d’émotion, point de variations dans la diction des comédiens (parfaits) Robin Arthur et Richard Lowdon : vêtus des mêmes pulls rouges, du même costume gris, chaussés des mêmes godillots, les deux hommes lisent-disent les phrases avec un détachement glaçant, une non-incarnation distanciée en totale symbiose avec l’intention d’Agota Kristof : le récit  volontairement clinique de la déshumanisation progressive de deux enfants qui ne voulaient plus être des humains, mais seulement des machines, seul moyen pour eux de se protéger et de survivre.

N’ayez pas peur et sautez dans le premier métro pour courir à Bastille : au delà du cynisme volontairement déshumanisé dans lequel plongent les deux garçons, au delà de la brutalité de certaines scènes se cache le récit d’une enfance dévastée, d’une tentative de survie effroyablement poignante et truffée de pointes d’humour noir salvateur reçues comme des respirations dans ce récit hypnotique et glacial. La blancheur totale du texte, en opposition parfaite et volontaire avec la noirceur du récit, est ici servie avec une justesse et une précision calculées : le tout en est encore plus vivant, strident, troublant. Le tout rend les deux garçons encore plus effrayants, encore plus humains, encore plus touchants.

Une lecture froidement neutre et justement froide d’un texte éminemment nécessaire.

The notebook

D’après le roman de Agota Kristof « Le grand cahier »

Mise en scène de Tim Etchells

Compagnie Forced Entertainement

Avec Robin Arthur et Richard Lowdon

Théâtre de la Bastille

Jusqu’au 3 décembre 2016

Réservations au 01 43 57 42 14

Anglais surtitré (très facile à comprendre)

 

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s