Plongée en eaux douces au Rond Point
On plonge un peu dans un autre monde, en allant voir James Thierrée au Rond Point. On plonge ou on s’immerge, on se fond, on se love, dans une dimension qui n’appartient qu’à l’artiste et ses talents aux multiples facettes. Avec James Thierrée, il faut accepter l’énigmatique et se laisser happer par le charme étrange de ses univers baroques et insolites. Le décor est insondable, mystérieux. On pourrait être dans un rêve de Jules Verne où d’étrange machines explorent le monde, des escaliers en colimaçon se déroulent quand on les gravit, quand une sorte de vaisseau sous-marin imaginaire ouvre et ferme ses écoutilles phosphorescentes au fil du spectacle. A moins que ce ne soit un vaisseau spatial. Ou autre chose. On ne saura pas et c’est à nous d’imaginer, d’écrire une histoire dont seule l’ébauche nous est donnée.
Ecrire des poèmes avec les corps
Dans cet univers onirique évoluent James Thierrée et ses acolytes : contorsionnistes, clowns, danseurs, tous pourraient être des créatures hybrides qui jouent avec leurs corps, leurs mains, leurs bras, leurs jambes ou leurs tignasses. Les corps s’enchevêtrent, se chevillent, se désarticulent, se rejettent pour mieux s’aspirer à nouveau. James Thierrée joue avec sa mèche, avec ses mains, les danseuses Valérie Doucet et Thi Mai Nguyen virevoltent sur terre, dans les airs ou dans l’eau d’un bassin trouble. Les clowns Jean-Luc Couchard, Samuel Dutertre viennent titiller l’un ou l’autre, sermonner un piano qui s’émancipe, et la chanteuse Mariama vient souligner les images de sa voix et son regard tout aussi énigmatiques.
Un spectacle beau et doux, où l’on reconnaît l’atavisme familial comme les carapaces écailles-assiettes qui font penser à Victoria Chaplin et ses métamorphoses du Cirque Invisible, ou bien sûr l’élasticité du corps, l’écriture corporelle faite de burlesque et de tendresse de Charles Chaplin dont James Thierrée a indéniablement hérité tout en ayant l’humilité de ne pas s’en targuer.
Il faut donc accepter de plonger dans ces eaux insaisissables, sans discours ni récit, faites d’accumulation de courts instants de magie, d’une succession de petites étincelles éparpillées sans véritable lien ; il faut accepter de recevoir la poésie généreuse de James Thierrée et y tisser sa propre histoire, y écrire son propre conte, tout comme James Thierrée écrit des poèmes avec les corps, des rêves avec ces poèmes et des vertiges avec ces rêves.
La grenouille avait raison, de James Thierrée
Cie du Hanneton
Jusqu’au 31 décembre 2016
Réservations au 01 44 95 98 21
Avec : Valérie Doucet, Samuel Dutertre, Mariama, Yann Nédélec, Thi Mai Nguyen, James Thierrée
Scénographie et musique originale : James Thierrée
Costumes : Pascaline Chavanne
Marionnette : Victoria Thierrée