Quand Andy rencontre Melissa…
Se doutait-il, Albert Ramsdell Gurney, quand il écrivit Love Letters en 1988, que cette nouvelle création serait jouée régulièrement de par le monde, et deviendrait un «classique» de la correspondance épistolaire ? Sans doute pas, mais toujours est-il que l’histoire de Thomas et Alexa (Andy et Melissa dans la traduction française d’Anne Tognetti) continue de faire vibrer, encore aujourd’hui. Vibrer parce que l’histoire est d’une simplicité, d’une pureté évidente : un homme et une femme s’écrivent depuis leur enfance, depuis la première invitation à un goûter d’anniversaire juste avant la seconde guerre mondiale, et ce pendant plus de cinquante ans. Une histoire d’amour et d’amitié, où l’amitié se transforme en amour, mais où l’amour est trop longtemps tu. Ils s’écrivent, se cherchent, se ratent, se croisent, mais jamais leurs destins ne leur permettent de se retrouver. Il n’est pas libre, elle souffre, il est malheureux, elle boit. Ils s’écrivent, encore, toujours, dans ce besoin viscéral de s’entendre et de se dire l’un à l’autre leurs détresses et leurs peurs, leurs jours qui s’écoulent sans l’autre, leur besoin de l’autre et leur désir.
En 1990 Anouk Aimée tombait en amour pour Alexa / Melissa. Elle joua Love Letters pendant plus de 20 ans, avec successivement Bruno Cremer, Jean-Louis Trintignant, Philippe Noiret, Jacques Weber, Alain Delon, Gérard Depardieu dans le rôle de Thomas / Andy. Autant de partenaires charismatiques pour une Melissa à la fois sulfureuse et malheureuse, sachant s’enivrer avec classe et sombrer dans le désespoir sans se départir de la dignité des femmes bien nées. Anouk Aimée était Mélissa : laissant deviner un feu incandescent sous la glace aristocrate, d’un regard, d’un souffle de voix ou d’un silence, elle faisait vibrer les phrases, les mots, les verbes et sa Melissa envahissait l’espace de son désespoir alcoolisé.
Cette année, Stéphanie Fagadau met en scène Love Letters dans une traduction et adaptation de Alixia Permony, avec Jean Piat et Mylène Demongeot. Si le texte (un peu raccourci?) est toujours aussi touchant, si l’histoire d’Andy et Melissa toujours aussi brulante, on regrette que Stéphanie Fagaudau ait cru utile d’ajouter des déplacements (Mylène Demongeot, au milieu de la pièce, va s’installer en fond de scène sur un fauteuil) sans que cela ait une quelconque utilité : A.R. Gurney le précisait dans ses didascalies : les comédiens doivent jouer cote à cote sans jamais se regarder, sans mouvement, et leurs regards se chercher, se retrouver, enfin, uniquement lors de la dernière lettre. Ce déplacement est inutile, donc, et n’apporte strictement rien.
Après Anouk Aimée sur Paris, donc, puis Isabelle Mercure (qui était avec Gilles Guillot une Melissa passionnée), c’est Mylène Demongeot qui reprend le rôle : la blonde et zozotante octogénaire, quoiqu’investie, ne convainc pas dans le rôle d’une femme ultra classe tout droit sortie de l’Upper East Side : robe longue lamée pas assez bien coupée, pieds nus au vernis bleu-gris, longs cheveux blond californien, la comédienne qui parfois avale ses mots (Palmiche au lieu de Palm Beach ou « oups je vais le redire ») nous laisse carrément sur notre faim. Jean Piat à ses cotés peine à incarner le charismatique et conformiste sénateur trop bien marié pour être heureux, se consumant d’un amour interdit. Le comédien continue d’exister sur scène mais l’âge, (ou la fatigue de cette soirée?) le rendent plus fade que ses prédécesseurs.
Au final, si le texte de Love letters est toujours, et restera, l’un des très jolies histoires d’amour du théâtre contemporain, la version vue hier à la Comédie des Champs Elysées nous a confirmé que, quel que soit le texte, la distribution reste essentielle et peut renvoyer une histoire infiniment vibrante au rang de vague imitation. Dommage.
Love Letters, de AR Gurney
Comédie des Champs Elysées jusqu’au 30 juillet 2017
Réservations au 01.53.23.99.19
Traduction et adaptation de Alexia PERIMONY
Mise en scène de Stéphanie FAGADAU
Avec Jean PIAT et Mylène DEMONGEOT
Assistante à la mise en scène : Juliette MOLTES
Décor : Antoine MALAQUIAS
Lumières : ZIZOU
C’est bien pour ça que je n’ose y aller… La dernière fois que j’ai vue Jean Piat (que j’adore) il était déjà bien fatigué et je n’ai pas une grande admiration pour Mylène.
Je ferai l’impasse !
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Très dispensable pour moi ; autant rester sur un meilleur souvenir. (je suis en train de la relire du coup)
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