Very bad diner
Prenez une banlieue très middle-class de Londres des années 70. Ajoutez-y une petite maison cossue, où vivent Beverly, femme au foyer désoeuvrée et son agent immobilier de mari, Peter. Mélangez avec des nouveaux voisins, la toute blonde, toute gentille infirmière Angela et son footeux de mari, Anthony. Corsez le tout avec Suzan, une autre voisine divorcée qui a laissé sa maison à sa fille adolescente Abigail le temps d’une première soirée. Mélangez, secouez, et dégustez ce cocktail détonnant de satire sociale et de comédie où les piques saillantes cachent à demi-mot les névroses enterrées qui ne demandent qu’à rejaillir, les frustrations cachées et les jalousies effervescentes.
Desperate housewive
Un savoureux cocktail, donc, où l’on se régale des répliques assassines comme des silences et des non-dits. On assiste avec délice à cette soirée qui se voulait parfaite mais qui part en vrille : Berverly (impayable Lara Suyeux), maitresse de maison aussi narcissique qu’hypocrite, va s’acharner sur ses gentils voisins à coup de petites phrases et de verres de gin, de prétendues attentions et de sourires soigneusement fielleux. Sous le poli des bonnes manières, ses griffes empoisonnées attaquent sans vergogne la blonde infirmière (délicieusement naïve Alexie Ribes), le taiseux-bourrin Anthony (superbe Cédric Carlier) (Ouais), ou la pragmatique et détachée Suzan (épatante Séverine Vincent), tandis que son dominé de mari-qui-voudrait-bien-lui-rabattre-son-p..-de-caquet voit sa rancoeur se transformer en haine au fur et à mesure de cette soirée déjantée (très juste Dimitri Rataud).
Pour servir ce texte à l’humour résolument british, Lara Suyeux a demandé à Thierry Harcourt qui a vécu plus de 20 ans à Londres de se charger de la mise en scène. Sachant deviner tout le fiel caché sous chaque petite phrase innocente, il dirige ses comédiens avec une précision de fourmi : silences, regards, respirations, rien n’est laissé au hasard. Les mouvements sont savamment étudiés, tout comme les chorégraphies, qui démarrent de façon tellement inattendue et décalée qu’elle déclenchent des rires inextinguibles chez le spectateur, à moins que ce ne soit une furieuse envie de se déhancher grâce à la bande son disco-vintage. Les costumes et le décor savamment ringard ou simplement 70’s viennent affiner une recette décidément pétillante, une recette où l’amertume des névroses petit-bourgeoises vient écailler à coup de griffes l’impeccable vernis social. C’est cruel, c’est bon, c’est british. God save the theater.
Abaigail’s party, de Mike Leigh
Adaptation de Gérard Sibleyras
Mise en scène : Thierry Harcourt
Avec Cédric Carlier, Alexie Ribes, Dimitri Rataud, Lara Suyeux, Séverine Vincent
Théâtre de Poche Montparnasse, jusqu’au 16 juillet 2917
Réservations au 01 45 44 50 21
En lice pour le prix de la Fondation J. Toja