Evasion théâtrale
♥♥♥
Il n’y a rien, sur la scène du Théâtre 13 (Jardin) récemment rouvert. Rien si ce n’est quelques chaises, de hauts murs en béton surplombés par d’étroites fenêtres en fond de scène, quelques portants sur les côtés (où les comédiens prendront à vue pulls, vestes, perruques et accessoires), on devine un lit à roulettes à jardin. A cour, le musicien Raphaël Charpentier se chargera de l’accompagnement sonore de la pièce. Une atmosphère austère, donc, qui illustre la centrale dans laquelle un metteur en scène vient donner un cours de théâtre. Il est accompagné d’une jeune stagiaire et d’une comédienne qui est – accessoirement – son ex-femme. Un cours qui remporte peu de succès : seuls deux détenus, une jeune braqueur et un vieux caïd, viennent assister à la séance.
Un décor a minima et des comédiens qui interprèteront plusieurs personnages : on retrouve immédiatement la patte michalienne et le dépouillement sur lequel va se construire une histoire faite de bribes a priori éparses, dont on ne devine pas encore le lien qui les relie.
Une histoire adroitement tissée
Alexis Michalik est encore, mais ça on le sait déjà, un merveilleux conteur : au fil des scènes, on remontera le temps et les histoires-passés des personnages, on retournera dans le présent-géôle, on fera un pas de côté, on reviendra, et l’on se laissera peu à peu happer par la spirale dans laquelle le jeune auteur veut nous embarquer. Parce qu’évidemment, derrière cet univers carcéral grisâtre va venir se dessiner un patchwork d’histoires plus coloré. A travers les récits de Kevin, le jeune détenu au parcours presque exemplaire de petit délinquant devenu petite frappe puis braqueur (« A dix ans, l’Education Nationale avait déjà décidé que j’avais raté ma vie ») et de Ange, le vieux taulard mutique aux intonations de parrain, en passant les parcours de Richard le metteur en scène aussi égocentrique que misogyne, Alice la jeune stagiaire naïve ou Jeanne, l’ex-femme de Richard, Alexis Michalik nous fait croiser une multitude de personnages qui viennent s’imbriquer peu à peu dans ce patchwork et former une toile inattendue et surprenante.
Métamorphoses et incarnations
Des portants, un lit et quelque chaises, donc, qui suffisent à la mise en scène : l’accompagnement musical de Raphaël Charpentier rythme les scènes avec rapidité, les changements agiles, à vue et assumés, les comédiens qui se glissent dans plusieurs personnages en un tour de costume, le tout est fluide, ingénieux et permet au spectateur de se laisser emporter dans les histoires sans jamais se perdre. Les comédiens excellent dans leurs multiples personnages : Jeanne Arenes se transforme au fil des scènes en parfait caméléon, Bernard Blancan, laissera deviner les faiblesses d’un homme derrière le maffieux hautain, Fayçal Safi incarne avec brio le délinquant paumé voué bien trop tôt à la prison, Alice de Lencquesaing est une jeune femme touchante au final plus déterminée qu’il n’y paraît tandis que Paul Jeanson nous fait rire en Narcisse de théâtre bien souvent ridicule et parfois touchant.
Au final on rit beaucoup et on s’émeut aussi, Alexis Michalik ajoute ici une touche d’humour, là une pointe d’émotion, insère une histoire d’amour, une autre de fierté. Le résultat est assurément joli, inattendu, touchant.
INTRA MUROS
de et par Alexis Michalik
Avec Jeanne Arenes, Bernard Blancan, Alice de Lencquesaing, Paul Jeanson,
Faycal Safi et le musicien Raphaël Charpentier
du 9 mars au 16 avril
Réservations au 01 45 88 62 22
Vu hier soir, très séduite également !
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