On pourra dire à présent qu’il y a débat…et débat. Quelque cauchemardesque, grandiose, pitoyable ou stupéfiant spectacle (au choix) que nous ayons vu en cet entre deux tours, le théâtre de l’Atelier nous transporte en ce mois de mai quelques 29 ans en arrière, lors d’un autre débat, autrement plus passionnant. Nous sommes en 1988, donc, et c’est alors François Mitterrand et Jacques Chirac qui s’affrontent lors du traditionnel débat télévisé.
Ô tempora, Ô mores
Autrement plus caustique et jubilatoire, l’affrontement se fait ici à coup de fleurets verbaux, d’esquives rapides, de contre-attaques diaboliques et de ripostes insidieuses. Jacques Weber incarne François Mitterand : une force tranquille qui lui va bien et lui donne la fausse indolence nécessaire aux coups portés sans que son adversaire les ait vus venir. L’air de rien, l’animal politique attaque, coupe, feint et assène ces désormais célèbres ripostes « Vous avez tout à fait raison, Monsieur le Premier Ministre », laissant son adversaire de plus en plus décontenancé. Face à lui, François Morel est Jacques Chirac : sans tomber dans l’imitation, il semble absorber petit à petit la mémoire de son personnage : tics de langage, raclements de gorge, regards, il devient peu à peu l’autre animal, implacablement laminé mais qui saura se nourrir de cet échec pour devenir, à son tour, un autre animal, mais plus tard.
Tempus fugit
Plus tard, donc, mais dans une espèce d’atemporalité finalement flagrante : prés de 20 ans après les sujets sont les mêmes, récurrents, rampants, inévitables. Chômage, immigration, situation des DOM TOM, politique étrangère… les sujets reviennent, en plus ou moins pires, mais toujours aussi prégnants. Seul le temps qui passe, la distance imposée par la scène et les années écoulées permettent aux spectateurs de rire à chaque camouflet, de déguster les revers et savourer les soufflets. Parce que la salle rit, la salle déguste et savoure ce duel où les mots et les idées remplacent les fleurets. Des mots et des idées qui nous rappellent que le verbe peut être arme de persuasion mais aussi de destruction, comme il l’a été en ce 28 avril 1988, comme il l’avait été 7 années plus tôt entre le même Mitterrand et Valéry Giscard d’Estaing ou encore 7 années plus tôt entre les deux mêmes hommes*.
La parole et la force donc, que l’on peut aussi savourer et réentendre lors du cycle Pouvoir et Citoyenneté au théâtre de l’Atelier tout au long du mois de mai.
(* et je vous conseille fortement la (délicieuse et jubilatoire) lecture de La septième fonction du langage , de Laurent Binet, sur le même thème)
Avec : Jacques Weber, François Morel, Magali Rosenzweig
jusqu’au dimanche 7 mai
Mercredi 10 mai à 21h
ALORS JE N’AURAI PAS VÉCU EN VAIN
Martin LUTHER KING / Georges JACKSON de Pierre TRÉ-HARDY et mis en voix par Sally MICALEFF Avec Lucien JEAN-BAPTISTE et Cyril GUEI
Vendredi 12 mai à 21h
CE QUE C’EST QUE L’EXIL
Victor HUGO
Adaptation libre de Françoise HAMEL Avec Jacques WEBER
Samedi 13 mai à 21h
LETTRES À STALINE
Mikhaîl BOULGAKOV
Adaptation de Gérald STHER Avec Denis LAVANT
Mardi 16 mai à 21h
LA CHUTE
Albert CAMUS
Adaptation Catherine CAMUS et François CHAUMETTE Mise en scène et avec Ivan MORANE
Mercredi 17 mai à 21h
LE TRIBUN
“Pour un orateur politique, éclats de fanfares et haut-parleurs”
de Mauricio KAGEL mis en scène par Vincent TORDJMAN Avec Dominique PINON
Jeudi 18 mai à 21h
JE VEUX ESPÉRER ENCORE
Jean JAURÈS
Conception et mise en espace Léonard MATTON Avec Richard BOHRINGER
Vendredi 19 mai à 21h
MARIE-ANTOINETTE
Correspondances privées
De Évelyne LEVER Mise en scène de Sally MICALEFF Avec Fabienne PÉRINEAU
Samedi 20 mai à 21h
ELLES PRENNENT LA PAROLE
Mise en voix d’Anouche SETBON Avec Nathalie CERDA, Julie DEPARDIEU, Andréa FERRÉOL et Juliette BIRY
De Olympe de Gouges à Simone Veil, de Louise Michel et Georges Sand à Gisèle Halimi, de Simone de Beauvoir au « Manifeste des 343 », ELLES prennent la parole.
Mardi 23 et mercredi 24 mai à 21h
ZHUMAINS
Conférence-spectacle «anti-fin du Monde» De et avec Catherine DOLTO et Emma la Clown
Mercredi 31 Mai à 21h
LE SALON DES DAMES De et par Le Salon Des Dames