Un deuxième volet décevant après Djihad
Après le succès de Djihad, premier volet de la trilogie consacrée au radicalisme d’Ismaël Saïdi, voici Gehenne, le deuxième opus dans lequel nous retrouvons Ismaël l’un des apprentis terroristes rencontrés dans Djihad.
Le jeune homme a commis un attentat dans lequel plusieurs enfants ont trouvé la mort. Invalide, il est cloué dans un fauteuil roulant et condamné à une peine de perpétuité. Ses seules rencontres sont celles d’un prêtre catholique et une jeune femme juive qui semble avoir perdu la raison. L’enfer c’est les autres ? Pour Ismaël, l’enfer, la Gehenne, c’est être condamné à vivre confronté à ces deux religions qu’il abhorre.
Si Djihad nous entraînait avec beaucoup d’humour mais pas mal de sensibilité sur les pas de trois jeunes musulmans plus candides que véritablement méchants, Gehenne veut aborder des thèmes plus religieux en confrontant son personnage principal, islamiste fanatisé, aux deux autres religions monothéistes. Mais si Djihad réussissait le tour de force de faire rire tout en transmettant un message clair, éducatif, sincère, contre l’obscurantisme, Gehenne malheureusement ne parvient pas à convaincre. Les petits reproches que nous avions bien vite oubliés dans Djihad, à savoir quelques blagues racoleuses, sont ici beaucoup plus nombreux et finissent par alourdir le propos, voire le noyer sous un déluge d’allusions souvent balourdes, à l’humour plus contreproductif qu’utile. Certes, le public visé est jeune, sensible aux plaisanteries et doit aussi être touché par le biais de l’humour, mais il me semble inutile voire carrément bancal de créer un prêtre adepte du cannabis ET des beaux légionnaires, et une jeune femme juive, MAIS athée (convaincante et touchante Audrey Devos). Ce n’est pas que ces points m’aient choquée, loin de là, mais du coup les rencontres successives d’Ismaël et ces deux comparses ne porteront donc presque jamais sur le sens de leurs engagements, et ne les conduiront à aucun cheminement : Ismaël, bien que radicalisé, n’a aucun véritable engagement idéologique et n’est choqué ni par l’alcool, ni par la drogue, ni par les bras nus de la jeune femme.
Est-ce le meilleur moyen d’emmener le public vers une réflexion personnelle en ne lui proposant que des caricatures plutôt grossières ? Est-ce le meilleur moyen de conduire les jeunes qui seraient tentés par un engagement radical à s’ouvrir et réfléchir autrement ? C’est probablement là l’écueil principal de Gehenne : une cruelle absence de réflexion sur l’engagement religieux, quel qu’il soit, et sur ce que les croyants, encore une fois quels qu’ils soient, peuvent y rechercher / trouver, ou pas. Cela aurait pu, dû, conduire à des échanges constructifs, des comparaisons, des découvertes, des uns et des autres sur leurs religions respectives, et les conduire au respect des autres croyances.
C’est dommage, car après Djihad et les vraies questions qu’il soulevait sur l’islamisme et l’engagement religieux, on ne voit ici qu’un spectacle à l’humour proche du stand-up, mais au final très, trop creux. Est-ce que le public visé en sortira avec l’envie de respecter les croyances des autres, voire l’envie de s’y intéresser ? Je n’en suis pas sûre, mais j’irai néanmoins voir le troisième volet de la trilogie, en espérant retrouver ce qui m’avait séduite dans Djihad.
Gehenne, texte et mise en scène Ismaël Saidi
Avec Ismaël Saidi, Audrey Devos et Shark Carrera
Scénographie Yvan Bruyère
Palais des glaces, jusqu’au 3 juin 2017
Réservations au 01 42 02 27 17