SI CE N’EST TOI, Edward Bond, Festival de Maisons Laffitte

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Qui est donc l’autre, cet autre, si ce n’est moi

Il n’y a plus grand-chose dans ce futur où nous plonge Edward Bond. Plus grand-chose car les souvenirs, les photos, les mémoires, sont effacées et la police veille au respect de la loi. Dans la maisons de Sara et Jams, tout est uniforme, identique, règlementaire. Gris, basique, sans fioriture. Terne, morne, obéissant. Un jour un homme surgit et prétend être le frère de Sara. Il viendrait des territoires lointains, de ceux qui n’ont pas été réaménagés, de ceux où les habitants souffrent de se souvenir, souffrent d’être encore vivants, et sont donc en sursis dans cette société totalitaire où les rebelles sont pourchassés, parqués, parfois assassinés.

Bel écrin que la vieille église de Maisons Laffitte pour ce huis clos où le gris est de rigueur et contraste à merveille avec les pierres chargées d’histoire de l’église. Décor réduit à sa plus simple expression : deux chaises et une table grises, ternes, ordinaires, comme dans l’habitat règlementaire de ce couple où la grisaille a remplacé la fantaisie, dans la mesure où celle-ci n’a sans doute jamais existé.

Si le texte a pu déstabiliser quelques spectateurs restés en dehors (il aura fallu surprendre une conversation au sortir pour sourire des impressions à chaud), si cette dystopie où l’absurde côtoie l’anticipation peut paraître absconse, on savoure quand même l’humour qui surgit au détour d’une réplique et n’en est que plus surprenant, détonnant, bienvenu. Preuve en est cette dispute autour d’une chaise, totalement absurde, qui semble irréelle et pourtant vient adoucir cette fable très bondienne et très noire, où le quotidien de ce couple va s’effriter avec l’arrivée de l’inconnu.

Les comédiens servent à merveille le texte : Anna Bayle est une Sara impeccable qui laisse la terreur affleurer sous la soumission à chaque regard, chaque sursaut, sans que le moindre mot soit nécessaire. Les convictions de la jeune femme s’érodent au fur et à mesure de l’avancée de la pièce, jusqu’à l’explosion finale.

Eric Cheype est un Jams parfait en soldat soumis, bête de somme autant que d’obéissance à la loi, qui s’accroche à cette même loi comme à une bouée, pour éviter le naufrage qu’il devine imminent.

Olivier Balmat, quant à lui est un Grit à la fois insoumis et terrorisé, bête traquée qui essaie en vain de réveiller chez Sara le souvenir de leur enfance, quand les couleurs teintaient encore la vie des hommes et des femmes.

SI ce n’est toi est un texte d’anticipation qui frise l’absurde avec malice pour mieux décrire le présent, servi avec intelligence et justesse par des comédiens très investis.

Bond n’en rougirait pas.

 

Si ce n’est toi, Edward Bond

Mise en scène de Jean-Claude Scionico

Compagnie O’Perchée

Festival de théâtre de Maisons Laffitte

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