Cendres
Au centre de la scène un vieux lampadaire diffuse une lueur triste sur un fauteuil hors d’âge. La lumière s’éteint et quand elle se rallume, un personnage blafard, seul, le regard fixe, commence à parler. C’est une femme qui raconte lentement, presque platement : son mariage, ses enfants, la cuisine qu’elle fait bien, son ménage, son intérieur. Une femme banale qui a peu à peu s’est enrobée. Pour garder son homme, pour qu’il ne parte pas, elle a bien compris la leçon de sa propre mère : on tient un homme avec le ventre. Il n’est jamais parti, elle est devenue ronde. Il l’a trompée, mais il est resté. C’est ce qu’elle voulait. Le garder. Cocue, mais mariée.
La femme, c’est Erwan Daouphars. Le comédien ne se travestit pas. Jean et tee-shirt noir, il raconte simplement le quotidien banal d’une existence qui s’étire et des joies qui s’éffritent, des sourires qui s’étiolent et des larmes que l’on ravale. Une plongée dans la banalité qui devient monstruosité, dans le basculement d’une femme, qui soudain va chavirer et commettre l’abominable. Savamment construit, le récit distille peu à peu des indices, on sent l’irréparable arriver savoir en quoi il consistera. On reste happé par le comédien qui réussit à captiver le spectateur par sa voix posée, son regard habité, son incarnation qui sous un aspect détaché révèle au détour d’une phrase, d’un regard, le vacillement de la femme, sa lente mais inévitable chute.
Une très belle performance d’acteur, un texte ciselé, une mise en scène minimaliste subtilement éclairée au service des deux précédents. Réussi et captivant.
Sandre, de Solenne Denis
Mise en scène Collectif Denisyak
Avec Erwan Daouphars
Festival d’Avignon OFF 2017, La Manufacture, tous les jours à 13h40