Magnifique Elizabeth Mazev
Décidément les personnages de femme entre deux âges, en prise avec le doute, les doutes, les peurs, les désillusions n’en finissent pas d’inspirer les auteurs et de remplir les salles, en ce Festival d’Avignon OFF 2017. Ce que soit Laura Wilson et sa vie trépidante de salariée subitement virée au 11 Gilmamesh, Valentine, enseignante perdue dans J’ai bien fait ?, toujours au 11.
C’est maintenant Marthe que nous rencontrons au théâtre des Halles. Marthe, quadra affirmée ou presque quinqua, Marthe mariée et mère de famille. On se saura pas exactement comment et pourquoi petit à petit Marthe a trouvé le réconfort dans un verre. Puis dans un deuxième. Et puis un autre. Et comment lentement cette habitude insidieuse s’est installée et est devenue vitale : boire pour se réchauffer l’âme, boire pour se réconforter, boire pour se rassurer. Boire, boire. Petit verre par petit verre, jusqu’au jour où elle a fini la bouteille. En a ouvert une autre.
L’absence de cause clairement énoncée rend l’histoire de Marthe presque universelle, chacun ou chacune y trouvera sa propre réponse. Ce n’est pas pourquoi qui est ici intéressant, mais comment. Comment une femme, cette femme, s’est peu à peu abandonnée. A peu à peu abandonné. Marthe buvait juste « le malheur du monde ».
La minuscule salle de la Chapelle, la mise en scène minimaliste de Frédérique Keddari-Devisme sert à merveille le soliloque d’Elizabeth Mazev. Dans l’alcôve monacal, seuls un lit et un petit bureau sont installés. Elizabeth Mazev arrive, vêtue d’un pyjama informe sous une robe de chambre élimée : sous son habit de femme fanée avant l’heure la comédienne, par son jeu d’une précision et d’une justesse invisiblement millimétrées, calculées à l’intonation prés jusqu’à en devenir viscérales, instinctives, dessine toutes les nuances et les reliefs d’un personnage qui a déjà sombré mais continue d’avancer, en titubant, vers un avenir que seule elle croit encore possible. La comédienne illumine, transcende, touche au cœur par son jeu toujours sur le fil, en perpétuel équilibre entre folie et désespoir, lucidité et illusions, humour et dérision, sans jamais tomber dans un excessif pathos.
Une performance sidérante et une rencontre qui restera pour longtemps dans les mémoires d’une salle clouée par l’émotion qui ne peut que rappeler, rappeler et encore rappeler la comédienne, lors des saluts.
A 90°, texte et mise en scène Frédérique Keddari-Devisme
Avec Elizabeth Mazev
Lumières Joël Adam
Festival d’Avignon OFF 2017, Théâtre des Halles, 11H