C’est un monceau de polochons qui recouvre quasiment la scène du 11 Gilgamesh quand débute J’ai bien fait ?, la nouvelle pièce de Pauline Sales. Un monceau de polochons que trouve Valentine quand elle arrive chez Paul, son artiste de frère. Enseignante de 40 ans, Valentine ne l’a pas vu depuis plus de deux ans. Tous deux sont à une période charnière de leur vie et sont dévorés par des questions existentielles. L’arrivée de Valentine, qui débarque alors qu’elle est en plein voyage scolaire, l’irruption de son généticien de mari, Sven, et celle de Manhattan, une ancienne élève de Valentine, enfant douée mais contemplative, va provoquer moult questionnements sur le sens de leurs existences réciproques.
Pauline Salse bouscule, dérange, interroge. Son écriture est tranchée, sans ambages, mais entraine le spectateur dans une série de questions, de réflexions : où en sommes-nous dans nos vies, et que doit-on en faire ? A quoi servons-nous, avançons-nous ou régressons-nous ? Et quand avons-nous arrêté d’avancer ? Faut-il chercher à redémarrer ? Renoncer ? A travers ces quatre personnages, représentant tous un pilier de la société (l’enseignement, l’art, la recherche, et la jeunesse, donc l’avenir pour Manhattan), Pauline Sale nous parle de renoncement, de lassitude. Que ce soit l’artiste, convaincu de n’être plus qu’un aging artist chassé par la nouvelle génération qui sera à son tour chassée, que ce soit le chercheur qui se réfugie dans la science dans un presque déni du quotidien, que ce soit Mahnattan la jeune fille qui a abandonné toute velléité de se battre et fait passivement des ménages, ou bien encore Valentine qui se demande si elle peut encore transmettre quelque chose à ses élèves, Pauline Sale titille, instille, une réflexion dense sur le sens de nos vies et ce que l’on peut, on doit, essayer d’en faire.
Le tout est très intensément interprété par une brochette de comédiens toujours justes à commencer par Hélène Viviès (Valentine) qui réussit avec brio l’exercice difficile de rendre vibrante cette enseignante fatiguée avant l’heure. On rit aussi beaucoup, Pauline Sales (qui assure également la mise en scène) ayant judicieusement distillé de nombreuses situations comiques qui permettent une distance bienvenue dans ce texte dense qui amène des réflexions passionnantes. Ce qui est encore, heureusement, l’un des rôles du théâtre.
Sous l’humour caustique et salvateur se cachent de très pertinentes questions sur le sens de nos existences. Nécessaire.
J’ai bien fait ?, Texte et mise en scène : Pauline Sales
Avec Gauthier Baillot, Olivia Chatain, Anthony Poupard, Hélène Viviès
Scénographie : Marc Lainé, Stephan Zimmerli
Festival Avignon OFF 2017 tous les jours à 17h30 au 11 Gilgamesh-Belleville.
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