DE MEIDEN -Katie Mitchell, Festival d’Avignon IN 2017

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Katie Mitchell réinvente Jean Genet

C’est une chambre luxueuse qui occupe l’Autre scène du Grand Avignon, quand démarre De meiden, l’adaptation de Katie Mitchell de la pièce de Jean Genet, Les Bonnes. Une chambre immense où trône un lit king size. Le mobilier est immaculé, on devine la qualité des textiles de couleur discrète, on peut sentir les effluves d’un parfum d’intérieur couteux à moins que ce ne soit celui des fleurs fraîches coupées dans un vase élégant. A jardin, un dressing où attendent robes de soirée, tenues de strass, accessoires et souliers de soirée. Un intérieur couteux, sophistiqué, où tout respire la classe, la distinction, l’argent. C’est donc ici, la chambre de Madame. C’est donc ici que Solange et Claire, ses domestiques, s’affairent, pendant que Madame est sortie. Les domestiques, s’affairent à jouer, à jouer à Madame, à rejouer inlassablement la même scène, le même fantasme : à tour de rôle, elles se transforment, se griment, revêtent les vêtements couteux de leur patronne et jouent son meurtre. Solange et Claire rêvent de tuer Madame, cette femme qui les exploite, les brime, les enferme. Elles n’ont que peu de temps, pour se grimer et puis tout effacer, tout remettre en place, avant que Madame revienne et que tout reprenne sa place.

Immigration et transsexualité

La metteure en scène britannique réinvente la pièce dans l’Europe du XXIeme siècle. Les deux domestiques sont des immigrées polonaises qui vivent à Amsterdam, parlent le polonais entre elle et le néerlandais quand elles s’adressent à Madame. Quant à Madame, c’est ici un travesti qui attend que son homme sorte de prison. La modernisation voulue par Katie Mitchell est par bien des cotés percutante : le rapport dominant / dominé, (ou riche / pauvre pour être très manichéen) démontre à quel point le texte de Genet est intemporel et peut se conjuguer au présent, encore maintenant. La soumission, l’envie, la peur et la haine des deux bonnes sont les mêmes quelques 70 ans après : on devine encore la répulsion mêlée de fascination chez Solange et Claire, qui détestent autant qu’elles envient leur maitresse. Ici, Madame est un travesti : on reste perplexe en revanche devant la proposition de Katie Mitchell qui semble bien futile dans ce débat et n’apporter qu’une allusion à la question du genre, utilisée ici de façon très surprenante.

Toneelgroep d’Amsterdam : une troupe au sommet

Pour servir cette adaptation étonnante, retenons les comédiens du Toneelgroep Amsterdam (encore !) : Marieke Heebink et Chris Nietvelt, magistrales Claire et Solange. En polonais, en néerlandais, les deux comédiennes incarnent à merveille l’urgence, la détermination, l’envie, la dévotion et la haine. Toutes deux montrent deux heures durant les multiples facettes d’un talent protéiforme.  Thomas Cammaert n’est pas en reste dans le rôle d’une Madame glacée, qui finira elle aussi par partir, asservie à son homme quand elle apprendra sa libération. Excellents, donc, tous les trois, brillants et totalement investis. On a adoré les voir jouer, on a adoré les voir se métamorphoser, mais pourtant, quelque chose manque, quelque chose d’indéfinissable qui empêche la totale adhésion : un manque de vibrations, un manque de secousses dans cette mise en scène parfaitement réglée, où chaque geste, chaque déplacement est pensé, tout comme où chaque objet est à sa place, chaque sentiment est dit au moment m… il manque une sorte de fièvre, cette fièvre qui nous rive à notre fauteuil et nous tient en haleine. Ici, on assiste à un exercice glacé, une réalisation sans accrocs ni aspérités, une sorte de soap opera ou novella ultra-sophistiquée (du décor jusque dans le maquillage de Madame) bien trop lisse pour que l’on y accroche réellement.

Une réécriture dont, au final, il ne reste pas grand-chose, en y repensant.

De meiden, d’après Jean Genet

Adaptation et mise en scène Katie Mitchell

Avec Marieke Heebink, Chris Nietvelt, Thomas Cammaert

Dramaturgie Peter van Kraaij

Musique Paul Clark
Scénographie Chloe Lamford
Lumière James Farncombe
Son Donato Wharton
Costumes Wojciech Dziedzic
Assistanat à la mise en scène Tatiana Pratley

 

 

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