L’ombre d’un doute
De 12 hommes en colère, on se souvient surtout du film éponyme et de sa belle distribution, mais avant que Sydney Lumet et Henry Fonda l’aient fait rentrer dans les annales du cinéma, 12 hommes en colère est avant tout une pièce de théâtre du même Reginald Rose, scénariste du film.
Ces 12 hommes sont jurés lors du procès d’un jeune homme de 16 ans, jugé pour le meurtre de son père. Toutes les apparences sont contre lui, il risque la peine de mort : les jurés sont convaincus de sa culpabilité et s’apprêtent à voter la peine capitale. Mais, alors qu’il faut impérativement que ce vote soit unanime, l’un d’entre eux, le juré n°8, doute. Avant d’envoyer un garçon de 16 ans sur la chaise électrique, il veut comprendre, réfléchir, être sûr. Ne pas se fier aux apparences, surmonter les préjugés. Il devra convaincre, à son tour, un à un les 11 membres du jury de ne pas condamner sans avoir réfléchi, puis de juger alors selon leur intime conviction.
Élégance et sobriété
C’est Charles Tordjman qui signe la mise en scène de cette nouvelle version, adaptée par Françis Lombrail. Le décor est sobre et élégant ; ils se tiendront debout ou assis sur une seule et même ligne, et ni table ni chaise ni accessoire ne viendront interférer avec le texte et les comédiens dont le jeu est ainsi mis en exergue. Bruno Wolkowitch est le juré n°8 : inlassablement, il doute, remet en cause, questionne. Inlassablement il cherche à convaincre. Une jolie partition où le comédien ne démérite pas, toujours juste, ne tombant jamais dans l’excès. Les 11 autres sont au diapason, en commençant par Bruno Leibovici, le plus vindicatif, le plus hostile, dont on comprendra au final les motivations les plus inconscientes, ou Antoine Courtray, le jeune homme issu lui aussi d’un milieu populaire, comme l’accusé. Chacun leur tour, chacun leur rôle, ils forment un portrait concentré de la société américaine des années 60 telles que Reginald Rose l’a voulu. Un condensé d’hommes blancs de classe moyenne confrontés à la peine de mort, à la justice faite par des hommes forcés d’affronter leurs peurs en remettant en cause des certitudes depuis trop longtemps enracinées dans leurs préjugés.
Un quasi sans faute pour cette mise en scène qui à force d’être resserrée aurait pu installer davantage de silence pour une montée en tension encore plus dramatique et contagieuse. Mais on pinaille, là, tant l’exercice difficile est accompli avec conviction par les comédiens dans un équilibre de plateau toujours élégant et recherché. On apprécie.
12 hommes en colère, de Réginald Rose
Adaptation française Francis Lombrail
Mise en scène Charles Tordjman
Avec Jeoffrey Bourdenet, Antoine Courtray, Philippe Crubezy, Olivier Cruveiller , Adel Djemaï , Christian Drillaud, Claude Guedj , Roch Leibovici, Pierre Alain Leleu, Francis Lombrail, Pascal Ternisien, Bruno Wolkowitch.
Théâtre Hébertot, jusqu’au 7 janvier 2018
Réservations au 01.43.87.23.23