Il y a quelque chose de rock’n roll au royaume du Danemark.
Résumer Hamlet n’est pas chose facile, tant la pièce foisonne entre peurs, pouvoir, doutes, vengeance, folie, réel et imaginaire. Un seul homme, Hamlet, porte la pièce sur ses épaules : son père, le roi du Danemark, est mort. La mère d’Hamlet, Gertrude, épouse très rapidement le frère du roi, Claudius. Hamlet, terrassé de tristesse, apprend alors par le spectre de son père que Claudius et Gertrude ont fomenté l’assassinat de son père et versé du poison dans son oreille pendant son sommeil. Hamlet sombre dans la folie, à moins que celle-ci ne soit simulée afin d’assouvir sa vengeance.
Hamlet est sans conteste une pièce difficile à monter et il faut du courage pour s’attaquer à ce monument. Au Théâtre 14 on découvre la version de Xavier Lemaire : réduite à 2h30, modernisée par la traduction de Camilla Barnes, La tragique histoire d’Hamlet, Prince du Danemark (de son titre complet) se transforme en comédie plus burlesque que tragique, plus rock’n roll que mélancolique.
Bon point pour les novices, Hamlet devient ultra accessible pour qui découvrira la pièce : raccourcie mais pas tronquée, elle n’omet aucun passage essentiel, garde tous les personnages primordiaux et respecte en tous points la trame de Shakespeare : les nombreux jeunes qui assistaient, en cette période de vacances scolaires, à la représentation ont d’ailleurs largement – et bruyamment – apprécié leur soirée. Rien que ça, c’est une victoire. Aussi, saluons l’ingéniosité des décors de Caroline Mexme : elle surmonte la difficulté (nombreux lieux, nombreuses atmosphères) grâce à deux blocs à escaliers qui pivotent, tournent à vue et à volonté : transformer la profusion en un minimalisme modulable est généralement la façon la plus pertinente d’aborder la difficulté, d’autant que les lumières de Didier Brun accompagnent judicieusement et élégamment les nombreuses variations des décors. Encore une autre bonne idée et une scénographie agréable à regarder.
Coté comédiens, ma foi, il est assez difficile de trancher : Manuel Olinger est convaincant en Claudius, grâce notamment à sa belle présence scénique. Didier Niverd est irrésistible en Polonius-papa poule souvent désopilant. Julie Delaurenti est une Gertrude hiératique et Philipp Weissert un Laërte profond, engagé. On déplore en revanche que Pia Chavanis soit une Ophélie plutôt linéaire, ni trop, ni pas assez, presque transparente. Quant à Grégori Baquet, il continue d’être le comédien excellent auquel on est habitués… il excelle, donc. En revanche, ce n’est pas son jeu qui interpelle mais la direction que Xavier Lemaire lui fait suivre : son Hamlet est davantage un gamin immature voire crétin incapable de décider, ne grandissant pas, partagé par ses émotions mais pas franchement terrassé par des affres de doutes. Grégori Baquet fait le job, et même très bien, mais on aurait aimé un personnage plus nuancé et ambigu.
C’est rock, disais-je. Rock car les costumes de Virginie H modernes et intemporels réussissent à donner une jolie couleur, propre à l’adaptation de Xavier Lemaire. Rock avec les tatouages d’Hamlet. Rock parce que rapide, rythmé, sans temps mort. Rock avec la traduction parfois trash de Camilla Barnes. Rock, parce les combats à l’épée chorégraphiés par François Rostain sont magnifiques.
Rock aussi parce que ponctué par un accompagnement musical pas toujours utile, notamment dans le passage qui ravira ou agacera le public, c’est selon : la scène des comédiens engagés par Hamlet pour jouer devant Gertrude et Claudius se transforme en un mini concert façon Blues Brothers electro pop dans une tonalité totalement déconnectée du reste de la pièce. On aime ou on n’aime pas, personnellement, je suis passée totalement à côté. Il semble que la projection video prévue n’ait pas fonctionné mercredi soir : est-ce pour ça ? Mais n’est pas Thomas Jolly qui veut : j’avais adoré le I’m a dog I’m a toad I’m a hedgehoag dans Richard III, mais j’ai l’impression qu’aujourd’hui on ajoute une note très rock comme on met du laurier dedans le pot-au-feu ; il faut parfois se contenter d’émotions plus douces plutôt que de secousses. Ceci dit soyons honnête, ça a marché sur le public qui a battu la mesure.
Hamlet, or not Hamlet ?
Bref. Il y a du bon dans ce Hamlet et la proposition est cohérente, assumée, étudiée. Elle a aussi le mérite de présenter et faire connaître la pièce. Il y manque néanmoins la profondeur, l’ambiguïté des personnages, du texte. Il y manque, en fait, un peu de Shakespeare.
Hamlet, de Shakespeare
Traduction et adaptation Xavier Lemaire et Camilla Barnes
Mise en scène Xavier Lemaire
Avec : Grégori Baquet, Christophe Charrier, Pia Chavanis, Julie Delaurenti, Olivier Deniset, Laurent Muzy, Didier Niverd, Manuel Olinger, Stéphane Ronchevski, Ludovic Thievon, Philippe Weissert
Théâtre 14 jusqu’au 21 mai
Réservations au 01 45 45 49 77
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