Bohème, version jeunesse
Pauline Bureau fait une première incursion dans l’opéra en adaptant La bohème de Puccini. Ici, Bohème, notre jeunesse, dont la jeune metteuse en scène signe également une nouvelle traduction, est une version raccourcie (1h30), spécialement conçue, à la demande de l’Opera Comique, pour « rajeunir l’image de l’opéra et démocratiser son accès ». Le projet est noble et l’on ne peut qu’applaudir le but de l’institution et sa vocation pédagogique.
Mais rappelons un peu l’histoire… A la fin du XIXème siècle, Mathilde (dite Mimi) est une jeune provinciale venue à Paris chercher un emploi. Elle rencontre un groupe de jeunes gens qui vit dans le même immeuble : Rodolphe, Marcel, Colline, Schaunard ; ils sont peintres, poètes, musiciens et survivent plus qu’ils ne vivent. Mais on peut vivre de rien, d’amour et d’espoir quand on est jeune c’est la vie de bohème. Mimi et Rodolphe vont s’aimer follement, tandis que Marcel retrouve son ancienne maitresse, l’explosive et sulfureuse Musette.
Pauline Bureau esquisse un très joli Paris : la scénographie imbrique harmonieusement décor mobile et projections vidéos, la neige tombe sur scène tandis qu’une cheminée fume à lointain. Un Paris joliment dessiné dans lequel on retrouve la patte délicate et sensible aux détails de la metteur en scène. Le tout est ravissant (avec une pointe de modernisation qui plaira aux plus jeunes) et sert joliment d’écrin aux voix des artistes. Nul besoin d’être expert pour apprécier les voix des sopranos Sandrine Buendia (Mimi) ou Marie-Ève Munger (Musette), toutes deux aussi limpides que puissantes. Les hommes ne sont pas en reste avec le baryton Jean- Christophe Lanièce (Marcel) et le ténor Kevin Amiel (Rodolphe). L’orchestre des Frivolités Parisiennes sous la direction d’Alexandra Cravero (réduit volontairement à 12 musiciens) accompagne les artistes, toujours présent, jamais envahissant.
Pour autant, le tout, et ce malgré l’implication des artistes, manque d’émotion : tous sont impliqués, appliqués, mais il manque une pointe de ce je ne sais quoi qui, sans forcément nous mettre dans un drôle d’état, nous ferait frémir, trembler, retenir notre souffle devant cette jeunesse, ses amours et ses souffrances. Est-ce les coupes qui ne laissent pas assez les sentiments s’installer (Mimi et Rodolphe échangent un Je t’aime si rapidement qu’on en est presque un peu surpris), ni l’histoire se développer suffisamment en en supprimant toutes les subtilités (des sentiments, des relations) ? Je ne saurais en identifier précisément la cause : le tout manquait hier d’aspérité et de substance. Pauline Bureau y a de toute évidence mis du cœur, mais peut-être pas ses tripes, au contraire de ses précédentes mises en scène dont l’écho touchait au plus intime (la perte des parents avec Les bijoux de pacotille), ou plus personnel (l’affaire du Mediator avec Mon coeur). Est-ce la cause ? Je ne saurais me prononcer. Toujours est-il qu’il faut, nonobstant cette réserve, saluer la volonté pédagogique de démocratiser l’opéra et y amener un public plus jeune. Pour ça, réjouissons-nous.
Bohème, notre jeunesse, d’après La bohème de Giacomo Puccini
Adaptation musicale, Marc-Olivier Dupin
Direction musicale, Alexandra Cravero
Adaptation, traduction et mise en scène, Pauline Bureau
Avec Sandrine Buendia, Kevin Amiel, Marie-Eve Munger, Jean-Christophe Lanièce, Nicolas Legoux, Ronan Debois, Benjamin Alunni et Anthony Roullier, & l’orchestre des Frivolités Parisiennes
Spectacle en français surtitré en français et en anglais
Opéra-comique, jusqu’au 17 juillet