Quand on entre dans le 11 Gilgamesh, un homme nous tend une barba à papa : nous pouvons, si nous le souhaitons, « manger une partie du décor ». Dans la salle, un voile translucide sépare les spectateurs de la scène. Un homme entre, silencieux, et commence à raconter : son enfance, son père qui buvait du vin, trop de vin, sa mère, qui cachait avec des cols roulés les marques des coups sur le cou de son fils, parce qu’il ne fallait rien dire. Une enfance gâchée, donc, et une seconde naissance le jour où ce père est mort.
« J’aurais pu écrire que je suis né deux fois. La première, le jour de ma naissance et la deuxième, le jour où mon père est mort. »
On déguste donc une barbe à papa, et l’on écoute le comédien raconter cette enfance qui sera figurée par une succession d’effets : un mécanisme fait tourner des nuages (la fameuse barbe à papa), une marionnette flottera au-dessus d’une table, des bonbons flotteront aussi, une homme-marionnette apparaitra, un livre partira en fumée… le tout est très joli et le travail de Philippe Saumont, auteur et marionnettiste, est d’une grande poésie. Mais l’ensemble donne au final l’impression d’un succession de numéros enfilés les uns après les autres qui ne réussissent pas à compenser ensemble sans aspérité. Est-ce uniquement le texte ? Le comédien Christophe Ecobichon ne parvient pas à y donner assez de souffle ni d’émotion, sa part d’enfance n’affleure pas à la surface. On reste donc derrière ce voile dressé entre nous, voile qui ne tombera qu’à la fin, juste avant le noir final. Un peu trop tard.
Une déception, donc, qui nous laisse au bord du chemin. Dommage, car on avait très, très envie d’en être.
Je t’aime papa, mais merci d’être mort, de Philippe Saumont
Mise en scène : Philippe Saumont Leonor Canales
Avec : Christophe Ecobichon, Geoffrey Saumont
Musique : Yann Honoré
Festival d’Avignon OFF 2018, 11 Gilgamesh, 10h, relâche les 11 et 18 juillet