Milo Rau, l’uppercut
Après le génocide rwandais (Compassion – l’histoire de la mitraillette) ou l’affaire Dutroux (Five easy pieces), Le belge Milo Rau, avec La reprise, Histoires du théâtre (I) continue de triturer la question du théâtre face au réel, en se basant sur « la représentation de la violence et des événements traumatisants sur scène ». C’est la torture et le meurtre d’un jeune homosexuel à Liège en 2012 qui est ici le point de départ d’un spectacle dérangeant mais nécessaire, dans cette 71ème édition du Festival d’Avignon.
Milo Rau préfère la « prise de conscience à la bonne conscience » et c’est bien de cela qu’il s’agira, pendant les presque deux heures du spectacle. Son théâtre documentaire s’attelle encore et toujours à questionner sur le rôle du théâtre, sa finalité, sa mission. Questionner, témoigner, transmettre : c’est ce qu’il fait encore en s’emparant du sordide événement de 2012. La reprise (…) est une étude scénique : du casting auprès d’amateurs, des répétitions, on s’interroge sur le rôle et la fonction essentielle du théâtre. Petit à petit, les répétitions évoluent, jusqu’au meurtre, qui lui est joué « en conditions du réel ». Son équipe, professionnels et amateurs, caméramans, se fondent dans l’histoire et deviennent protagonistes, messagers et témoins de l’horreur. La frontière est de plus en plus floue entre théâtre et réalité, nous sommes dans un théâtre mais la réalité nous rejoint, frappés par l’abjection, le sordide, frappés par cette réalité qu’il nous fait voir et que Milo Rau sait si bien nous montrer, nous brandir aux visages, aux consciences.
En mélangeant répétitions et représentation, mise en abyme et immersion dans l’horreur, Milo Rau démontre encore le rôle primordial du théâtre, son importance, sa mission première : témoigner, éduquer, interroger, transmettre et ne jamais se taire. On en sort sonnés mais plus que jamais convaincus de la nécessité du théâtre.
La reprise, histoire du théâtre (I)
Conception, et mise en scène Milo Rau
Texte Milo Rau, écriture collective
Avec Tom Adjibi, Sara De Bosschere, Suzy Cocco, Sébastien Foucault, Fabian Leenders, Johan Leysen
Dramaturgie Eva-Maria Bertschy, Stefan Bläske, Carmen Hornbostel
Scénographie et costumes Anton Lukas
Lumière Jurgen Kolb
Vidéo Maxime Jennes, Dimitri Petrovic