PETIT DEJEUNER, MES Charlie Windelschmidtt – Festival Avignon OFF 2018, La Manufacture

photo VeroBeno

Prendre son petit déjeuner le temps d’un intermède littéraire, voire poétique, en plein Festival d’Avignon, était une perspective des plus réjouissantes. S’installer dans une petite cour ombragée autour d’une grande table avec d’autres festivaliers, entendre des textes dont les principales sources d’inspiration seraient Les miscellanées culinaires de M. Schott, Proust, Alice au pays des merveilles, ou Alexandra Badéa,  j’y voyais là la promesse d’un intermède qui s’annonçait délicieux, d’une pause qui allierait gourmandises terrestres et intellectuelles. Moi qui ne déjeune jamais plus agréablement que seule et en silence, j’étais enthousiaste à l’idée d’envoyer valser toutes mes habitudes et de prendre ce petit déjeuner avec les comédiennes de la compagnie Derezo.

Las ! Si l’idée est des plus sympathiques, si la perspective de rencontrer d’autres festivaliers (ce fut le cas, mais parce que nous avons discuté et fait connaissance avant que les portes ne soient ouvertes), si le jus d’orange était frais, si les viennoiseries tournaient tout autour de la table, le propos même de ce Petit déjeuner reste frustrant : quelques aphorisme faciles pour s’assurer de la complicité du public (« Proust, tout le monde connaît mais personne ne l’a lu »), la lecture de l’horoscope en cherchant dans le public les béliers ou les verseaux, une chanson de Barbara, et l’inévitable extrait de Du coté de chez Swann. J’aurai aimé que la comédienne nous donne des frissons, nous fasse frémir, j’aurai aimé que ce moment précis nous plonge à Combray, ou dans nos propres mémoires d’enfant, mais non : elle a distribué des madeleines tout en récitant et celles-ci n’avaient ni goût de la nostalgie, ni celui de l’enfance, ni celui de bonheur.

Une idée charmante, donc, mais une réalisation artificielle où l’accent est trop porté sur la forme aux dépends du fond, et finalement si peu, trop peu, de littérature.

Au final, le chant des cigales aurait suffi.

« Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblaient avoir été moulées dans la valve rainurée d’une coquille de Saint-Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d’un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m’avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m’avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu’opère l’amour, en me remplissant d’une essence précieuse: ou plutôt cette essence n’était pas en moi, elle était moi. » M. Proust

 

Petit déjeuner, de Charlie Windelschmidt, compagnie Derezo
Avec Véronique Héliès et Anaïs Cloarec

Festival d’Avignon OFF 2018, La manufacture (Cour du musée Angladon) 9h et à 10h30, relâche les jeudis 12 et 19

 

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