Un dîner sans piquant à Edouard VII
Près de huit ans après sa création à Edouard VII, Bernard Murat reprend Le prénom, la pièce aux 243 représentations de Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière, adaptée entre temps au cinéma avec (presque) la même distribution. Le décor est, semble-t-il, inchangé, l’histoire connue de presque tous : Vincent, Claude, Pierre sont amis d’enfance. Pierre a épousé la sœur de Vincent, et celui-ci va bientôt être père. Alors qu’ils se retrouvent chez Pierre et Babou pour dîner, Vincent leur annonce le prénom que lui et sa femme Anna ont choisi pour leur enfant. L’annonce sonnera comme une détonation, le dîner part en éclats.
Que dire de ce Prénom ? Je ne connaissais de l’histoire que le film, vu en pointillés il y a quelques années et me souviens avoir parfois souri, davantage séduite par le charisme d’un Bruel ou d’un Berling que par la situation, un dîner de vieilles connaissances qui part en vrille et vient fissurer les belles apparences. Le dieu du carnage, Le dîner de cons, Le dîner d’adieu (par les mêmes auteurs), Le repas des fauves, Bobby Fischer…., Le jeu de la vérité… le thème du règlement de comptes familial ou amical (généralement des professions intellectuelles ou cadre supérieurs) est largement éculé et exploité plus ou moins hasardeusement par les auteurs. Ici, les répliques sont autant de joutes que de couteaux et font mouche assez régulièrement, on apprécie les échanges houleux, les piques bien saillantes… mais il manque un petit quelque chose, cet indéfinissable petit quelque chose qui au théâtre est capable d’embarquer le spectateur presque malgré lui et lui faire oublier tout le reste y compris les défauts d’un texte finalement sans surprise ni grande originalité voire une fin très consensuelle.
Que manquait-il donc, jeudi dernier au théâtre Edouard VII, soir de couturière ? Un peu de rodage, c’est certain, pour les comédiens dont on devinait rapidement le stress. Mais le souci n’est pas seulement ici et le choix de la distribution laisse pensif : Florent Peyre (Vincent), que j’ai commencé par trouver bien dans les premiers instants, se laisse rapidement dépasser par son personnage après lequel il semble courir sans jamais réussir à le rattraper, Jonathan Lambert (Pierre) visiblement dévoré par le trac cède trop souvent à l’hystérie, tout comme Marie-Julie Baup (Babou) qui semble, elle, perdue dans cette distribution approximative. Lilou Frogli (Anna) est trop transparente, tandis que Sébastien Castro propose un personnage qui, ma foi, m’a laissée totalement de glace. Problème de direction d’acteur ? Ombre trop écrasante de la précédente et récente distribution ? Manque d’expérience chez plusieurs comédiens qui peinent à être crédibles ? Difficile de trouver les mots sur ce qui manque à ce Prénom 2018 qui s’efface déjà de ma mémoire.
Le prénom, de Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière
Mise en scène Bernard Murat
Avec Maie-Julie Baup, Lilou Frogli, Sébastien Castro, Jonathan Lambert, Florent Peyre
Théâtre Edouard VII, jusqu’au 6 janvier 2019
Réservations au 01 47 42 59 92