Myriam Boyer sur les traces de Kathy Bates
Misery, c’est d’abord un roman culte de Stephen King. Et puis c’est un film culte de Rob Reiner. Un personnage culte aussi, en la personne d’Annie Wilkes, une infirmière qui, après qu’il ait eu un accident, séquestre l’écrivain à succès Paul Sheldon. Son tort ? Avoir dans son dernier roman tué l’héroïne de sa série à succès, Misery, afin de pouvoir écrire d’autres romans plus « sérieux ». Mais Annie, la « fan n°1 » de Paul, ne supporte pas la disparition de Misery et exige que Paul, drogué et dépendant aux analgésiques qu’elle lui donne, écrive un nouveau roman pour faire revivre Misery.
Daniel Benoin se dote d’une scénographie haut de gamme pour cette adaptation à risque tant le roman et le film éponymes ont marqué les esprits : chambre vaste, verrières, lambris, projections vidéo qui permettent de pénétrer en même temps que les comédiens dans les autres pièces de la maison ou illustrent les cauchemars de Paul en projetant le visage difforme d’Annie sur les murs. Avec sa hauteur et ses images projetées en XXL, le procédé accentue encore plus la sensation d’écrasement de Paul, cloué dans son lit ou son fauteuil. Un parti pris à la fois efficace et… superflu par moments, la sensation de peur, l’angoisse, étant ainsi trop dictées au spectateur qui ne devrait pas en avoir besoin pour sentir le piège se refermer sur Paul. On préfèrera retenir la beauté des lumières, glaçantes ou brûlantes selon les passages, et l’ingénieuse multiplication de l’espace.
Dans cette atmosphère confinée, Myriam Boyer et Francis Lombrail ne déméritent pas, en particulier Myriam Boyer, en infirmière toute en douceur, petite souris grise qui se transformera petit à petit en psychopathe assoiffée de vengeance. Le risque d’être totalement éclipsée par le souvenir de la terrifiante – et magnifique – interprétation de Kathy Bates dans le film de Rob Reiner était grand, elle a su relever le défi et il faut saluer la prise de risque. Pour autant, on aurait aimé encore plus d’ambiguïté, encore plus de silences et une angoisse distillée plus lentement, plus insidieusement. Le tout est impeccablement pensé, orchestré, mais il manque cependant une dose de terreur pour emporter totalement mon adhésion : si Daniel Benoin a orchestré ce Misery avec une application et une mécanique très calculées, il manque encore un zeste de sadisme dans son approche. Surtout, il suffit de faire confiance au spectateur (et au texte de Stephen King) : pas besoin de dicter au public ce qu’il doit ressentir à grand renfort de vidéos : avec des silences, des regards, des mots, la peur et le doute peuvent être distillés encore plus insidieusement et profondément dans son esprit. Comme dans celui du lecteur de Stephen King.
Misery, d’après Stephen King
Adapation de Viktor Lazlo – Mise en scène Daniel Benoin
Avec Myriam Boyer et Francis Lombrail
Scénographie Jean-Pierre Laporte
Lumières Daniel Benoin
Vidéo Paolo Correia
Théâtre Hébertot, jusqu’au 6 janvier – Réservations au 01 43 87 23 23
Je suis entièrement d accord avec ce que tu écris. Bravo pour cette belle critique !
Marie
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Merci Marie 🙂
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