Fragile et délicate ménagerie
Cet automne le Poche Montparnasse nous emmène dans le Missouri, à Saint Louis où vit la famille Wingfield : dans un appartement triste et sobrement meublé, Amanda, la mère, élève tant bien que mal ses deux enfants depuis que leur père les a quittés et n’a jamais donné de nouvelles. Laura, la fille, boiteuse et renfermée, se réfugie dans les rêves et se consacre à sa collection d’animaux de verres, fragiles babioles dans lesquelles elle puise du réconfort. Tom, le fils, narrateur de l’histoire, ne rêve à son tour que de partir, loin de l’atmosphère suffocante du Missouri et de l’emprise d’Amanda, qui à force de trop mal aimer, trop protéger, étouffe ses deux enfants. L’équilibre instable de la famille bascule quand Tom invitera à diner son collègue Jim, afin de lui présenter Laura.
Très jolie surprise que cette mise en scène de Charlotte Rondelez : fidèle au texte de Tenessee Williams, elle lui insuffle une grande délicatesse et beaucoup de mélancolie. Couleurs passées et ternies comme la vie de cette famille, fenêtres biscornues comme ses rêves brisés et rafistolés tant bien que mal sous le regard du père dont le portrait est encore accroché au mur, la scénographie est ici l’écrin qui accueille, souligne, mais n’envahit pas. Pas d’effets inutiles, pas d’esbroufe mais uniquement le talent des quatre comédiens dirigés avec justesse. Pour commencer Cristiana Réali, magnifique Amanda que l’on voit aimer, trop, mal, ses deux enfants. D’un regard, d’un sourire, elle est tour à tour joyeuse, triste, mélancolique, pleine d’espoir, dévorante, maladroite, en ne franchissant jamais la ligne rouge de l’excès : la pathétique Amanda devient avec elle solaire et lumineuse. Ophélia Kolb est tout aussi juste en Laura troublante et touchante, fragile jeune fille trop protégée trop isolée, trop mal aimée par sa mère et son frère. Les deux comédiens ne sont pas en reste avec Charles Templon, grand frère partagé entre son devoir de chef de famille et ses rêves d’évasion, et Félix Beaupérin, ami invité touché par la fragilité de Laura mais qui préfèrera fuir, lui aussi.
Il y a beaucoup de grâce dans ces fêlures, il y a beaucoup d’élégance dans ces désespoirs, il y a beaucoup de tristesse et de fatalisme dans ces espoirs ravalés : si le texte de Tennessee Williams dessine la mélancolie qui taraude les âmes, Charlotte Rondelez donne à cette mélancolie une lumière gracile et sereine qui ravit et touche au cœur le public conquis du Poche Montparnasse.
La ménagerie de verre, de Tenessee Williams
Mise en scène Charlotte Rondelez
Avec Félix Beaupérien, Ophélia Kolb, Christiana Réali, Charles Templon
Décors Jean-Michel Adam, Lumières François Loiseau
Théâtre du Poche Montparnasse jusqu’au 30 décembre 2018
Réservations au 01 45 44 50 21
Autrement, à Bruxelles… mais TOP aussi! https://deashelle.com/2018/11/09/la-menagerie-de-verre-oeuvre-forte-a-laffiche-au-public/
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