Un ange passe au Rond-Point
Il y avait Devos, celui qui jouait avec les mots, celui qui jonglait avec eux, les malaxait les empilait les entassait les embrassait. Il y avait Devos, le clown jamais triste, un peu lunaire qui l’air de rien pouvait, en débitant ses histoires, catapulter son public dans son univers fantasque, absurde, poétique. C’est difficile de le décrire tant l’homme était hors normes. Enfant, je regardais ce curieux personnage, perplexe devant le téléviseur familial. Adolescente, j’écoutais ses textes et commençait à sourire, à traquer le jeu de mot, le double sens, le sens caché ou le sens tout court d’une absurdité bien envoyée au détour d’un phrase. Adulte, je me régalais à la lecture de ses textes. Jamais je n’ai vu le bonhomme sur scène et sa bonhommie, que j’imaginais à la fois débordante et solide, me faisait rêver. Las ! Là-haut sans doute un autre bonhomme a décidé de le convoquer, tant pis pour moi.
Mais grâce à Dieu ou plutôt à François Morel revoilà l’amoureux des mots, le temps d’un spectacle, sur la scène du Rond-Point. Oh bien sûr n’est pas Devos qui veut me direz-vous ! Mais François Morel ne cherche pas l’imitation. Au contraire avec son pianiste Antoine Sahler il s’amuse à son tour à pétrir les mots de Devos et les dire avec sa propre verve, sa propre poésie. Et ça marche, tant l’univers de François Morel sied à celui de Devos : un piano, un mélodica, une marionnette, les sketches se suivent et sont dits avec un souffle à la fois devosien et morelien. Parfois mis en musique, parfois débité à toute allure, parfois dit à deux (avec l’étonnant Antoine Sahler aux multiples facettes), l’univers de Devos s’accorde à merveille à celui de Morel : un mariage heureux, poétique qui laisse entendre dans de courts instants de bonheur la voix de Devos et embarque les spectateurs, heureux, dans un voyage-hommage empreint de poésie et de légèreté.
Grâce à François Morel un ange passe sur la scène du Rond-Point : celui de Raymond Devos ; une bien jolie parenthèse qu’il faut surtout oublier de refermer.
J’ai des doutes, textes de Raymond Devos
Un spectacle de et avec François Morel, Antoine Sahler en alternance avec Romain Lemire
Composition musicale Antoine Sahler
Théâtre du Rond Point jusqu’au 6 janvier
Réservations au 01 44 95 98 21