Un Molière tout feu tout flammes à la Scala
Avec Macha Makeïeff, Les femmes savantes se retrouvent dans les seventies et tout est coloré, piquant et pop à souhait ! Dans l’appartement aux larges verrières de Philaminte et Chrysale, on respire la bonne humeur et la joie de vivre : tandis que Philaminte, sa sœur Belize et sa fille ainée Armande se piquent de chimie et autres élucubrations prétendument savantes, Henriette sa cadette aime Clitandre, qu’Armande a rejeté. Soutenue par Chrysale, son père et Ariste, son oncle, Henriette veut à tout prix déjouer le projet de sa mère de la marier à Trissotin le faux savant, usurpateur qui manipule son petit monde très crédule.
Molière n’aurait pas renié la mise en scène espiègle et survoltée de Macha Makeïeff : ici, les hommes sont plutôt lâches et obéissent faiblement aux femmes de la maison qui pourtant sont totalement aveuglées par leur gourou faussement érudit. A ce petit jeu de qui domine qui et qui trichera le plus, Macha Makeïeff mélange la donne initiale et y sème une bonne dose d’émancipation féminine, de prise de pouvoir et de liberté. Philaminte, Bélize et Armande veulent étudier, Henriette veut épouser l’homme qu’elle a choisi : volent les barrières et tant pis pour leur oncle et père, dépassés par cette déferlante de liberté ! Molière aurait adoré, on en est sûrs, d’autant que la mise en scène est pétulante et virevoltante. On entre, on sort, on parsème le tout de gags hilarants, on monte et on descend et le public se prend au jeu de ce tourbillon facétieux et exubérant, porté par une distribution au taquet.
Impossible de tous les citer, mais Marie-Armelle Deguy est hilarante en Philaminte totalement perchée : on a pensé plus d’une fois à Claude Gensac tant ses combinaisons de velours vif, ses bottes compensées et son brushing blond font merveille ! Vanessa Fonte est une délicieuse Henriette tandis que Caroline Espargilière est une Armande à la fois crédule et touchante. La soprano Jeanne-Marie Levy est une Belize toute aussi perchée que sa sœur et follement drôle. Coté masculin, saluons Vincent Winterhalter en Chrysale dépassé et blasé qui semble parfois sur le point de tout abandonner, ou le baryton Ivan Ludlow, impeccable Clitandre. Impossible de ne pas citer Geoffrey Rondeau, inénarrable Trissotin cheveux aux fesses, pantalon de velours strassé, talons hauts et maquillage appuyé : on adore ce mélange de précieux du XVIIème et de queer dont l’arrivée déclenche inévitablement des rires.
Ça pulse, ça chante (bien) ça virevolte et ça dépote, sans jamais trahir l’alexandrin ni le sacrifier, bref, on aime, voire on aime beaucoup !
Trissotin ou les femmes savantes, de Molière
Mise en scène Macha Makeïeff,
Avec : Vincent Winterhalter, Marie-Armelle Deguy, Arthur Igual & Philippe Fenwick, Caroline Espargilière, Vanessa Fonte, Geoffroy Rondeau, Jeanne-Marie Levy & Anna Stieger, Ivan Ludlow, Pascal Ternisien, Karyll Elgrichi & Louise Rebillaud, Valentin Johner, Arthur Deschamps
lumières : Jean Bellorini assisté d’Olivier Tisseyre, son : Xavier Jacquot, arrangements musicaux : Macha Makeïeff, Jean Bellorini, assistants à la mise en scène : Gaëlle Hermant, Camille de la Guillonnière, assistante à la scénographie et accessoires : Margot Clavières, diction : Valérie Bezançon
La Scala jusqu’au 10 Mai
Réservations au 01 40 03 44 30