Avec la force et la précision d’une partition de musique, le rythme et la poésie embarquent le spectateur dans une tempête d’émotions bien orchestrée par le musicien Racine. Dans cette mise en scène moderne, la musique et la danse sont figurées comme un neuvième personnage de l’histoire. Une tragédie intemporelle, conjuguant théâtre, danse et musique, vous transporte dans un tourbillon de poésie !
Quand le public s’installe, un homme est assis sur scène. Torse nu, regard souligné de khôl et derbourka à la main, il se lève et raconte la malédiction de la famille de Phèdre. Il est accompagné par trois danseuses : elles sont Vénus, celle qui a maudit Pasiphaé et sa famille.
S’attaquer à Phèdre peut relever de deux états : l’inconscience (ou la folie) de tenter de gravir cette montagne du répertoire, ou bien le courage, fou, téméraire, de se confronter à ce monstre sacré. Le collectif du Haz’art revisite la tragédie en insufflant une rasade orientale au départ surprenante puis tout simplement prenante. Sont-ils fous ? Inconscients ? Sans doute un peu des deux et cette folie téméraire ou cette témérité folle feront le sel d’une adaptation finalement séduisante.
L’essentiel de la tragédie est là, de la passion dévastatrice de Phèdre pour son beau-fils Hippolyte à la rage de Thésée, le sens de l’honneur d’Hippolyte ou la raison d’Aricie. La musique est très présente (bien qu’elle souligne parfois inutilement certains passages), et des passages chorégraphiés viennent rythmer la tragédie : ces intermèdes, qui viennent se substituer au texte apportent une belle touche de modernité et de poésie. Un parti-pris qui manque parfois de cohérence : la musique orientale du début est remplacée, quand Phèdre apprend l’amour d’Hippolyte pour Aricie, par une musique beaucoup plus hollywoodienne : pourquoi ne pas rester dans le même registre ? Si le tout reste évidemment séduisant, on regrettera peut-être que la ligne de mise en scène semble plus impulsive qu’inscrite dans une réflexion complète sur la direction du spectacle.
Une direction qui ne manquera pas de se faire, tant l’équipe est investie : les alexandrins glissent avec fluidité tandis que les comédiens incarnent tous avec une belle énergie leurs personnages. Le rôle de Phèdre est difficile, ardu, et, si Ingrid Guervenou aurait pu lui donner encore plus de rage et de colère (envers elle-même), la comédienne reste une Phèdre intense et hiératique. Les autres sont au diapason : j’avoue un faible pour l’incarnation de Ismène (Cannelle Petit) ou celle de Jules Fabre (Hippolyte).
Que dire pour conclure ? Si cette adaptation pêche encore par excès de jeunesse et surtout d’idées (bonnes) assemblées de façon très hétéroclite, elle conforte en revanche dans l’idée que les montagnes sont faites pour être gravies, et ce pour notre grand plaisir.
Phèdre, d’après Racine
Avec : Ingrid Guervenou, Jules Fabre, Arthur Hesse, Jessica Parise, Nina le Lez, Hamdi Ben Hemdame
Mise en scène : Marion Poli
Chorégraphie et Direction d’acteur : Canelle Petit
Collectif Haz’Art