Le sacre d’Elsa Granat
Parfois, à Avignon, il suffit d’un rien pour se décider à aller voir une pièce. Un écho, un nom, un entrefilet peuvent produire plus d’envie que tous les articles réunis. Ici, c’est un tweet d’Axel qui m’a poussée à aller voir Le massacre du printemps d’Elsa Granat. Il était dévasté, je voulais voir. J’ai vu.
Sur la scène, une femme gît. Des gobelets, des assiettes en cartons sur la pelouse. Une énorme cabane recouverte de papier fuchsia au centre de la scène. De ces restes on devine une fête d’anniversaire. Et puis la femme se relève, parle au téléphone, s’effondre, se relève. La conversation s’interrompt, une jeune fille arrive, c’est la femme, quand elle était jeune. Quand sa propre mère était mourante à l’hôpital. Un cancer. Arriveront l’oncologue, débordée, un infirmier, une infirmière, qui aurait bien voulu être chanteuse. Et puis le père de la femme, qui lui aussi déclarera un cancer deux mois après la mort de sa femme.
On pourrait être perdu devant ces temporalités qui se croisent et s’interpellent. On pourrait être perdu avec ces chansons cette bande son, ces personnages perdus face à la maladie. Et pourtant, il y a une telle énergie, une telle fougue, une telle ardeur qu’au contraire le public est happé dans ce maelstrom chorégraphié avec une maîtrise et une sensibilité épatantes. Avec Elsa Granat, tous ses comédiens partagent, donnent, se donnent avec impétuosité, notamment Edith Proust (la jeune fille) captivante et renversante. Et le tout est drôle, oui, de cet humour que l’on dit désespéré parce que finalement l’humour est bien la politesse du désespoir. Alors on rit, beaucoup, souvent, d’un rire maladroit qui aide à retenir ces larmes qu’on sent venir.
C’est quoi la fin de vie ? C’est comment ? Comment on gère ce truc ? Comment on fait ? Qu’est ce qu’on fait ? Quand on est malade, quand on est médecin, quand on est un des proches… comment on fait pour s’en sortir avec toute cette douleur cette peur cette solitude ce vide à venir ?
A Avignon, Elsa Granat répond à ces questions de façon très simple : en fait, on fait ce qu’on peut, tout simplement. C’est magnifique et c’est bouleversant, et, étonnamment, ou plutôt évidement, c’est plein de vie. Le public s’est levé d’un bond, en larmes, aux saluts, et c’était largement, largement mérité.
Le massacre du printemps, texte et msie en scène Elsa Granat
Avec Jenny Bellay, Antony Cochin, Clara Guipont, Elsa Granat, Edith Proust, Hélène Rencurel
Festival Avignon OFF 2019, Théâtre du Train bleu 11h50 les jours pairs,
Réservations au 0)4 90 82 39 06