POMPIER(S) – Jean-Benoît Patricot – MES Catherine Schaub – Théâtre du Rond-Point

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Qui ne dit mot consent

Elle est toute frêle, cette jeune fille qui attend dans le palais de justice.

Il est grand et costaud, cet homme qui attend, le cheveu ras, le corps tendu.

Ils attendent le procès. Viol et abus de faiblesse.

Elle est intellectuellement limitée, fascinée par l’uniforme des soldats du feu. Lui, le pompier qui l’a accueillie pendant le bal du 14 juillet, a, selon lui, simplement profité de l’aubaine. Après tout, elle s’est offerte. Alors il a abusé d’elle. Lui et d’autres pompiers avec lesquels il l’a partagée. Plusieurs fois. Elle semblait même aimer ça, d’après lui, puisqu’elle était plutôt docile. Mais elle, comprenait-elle vraiment ce qu’on lui faisait ? Le problème c’est qu’elle n’a jamais dit non.

Le texte de Jean-Benoît Patricot sonne comme un uppercut : les mots sont nets, tranchants, crus. Ils se remémorent, elle, ce qu’elle croyait être un don, lui, ce qu’il voyait comme un jeu. Où s’arrête le consentement et où commence le viol ? La femme qui ne dit pas non est-elle réellement consentante ? A travers cette histoire (inspirée d’une histoire vraie), Jean-Benoît Patricot dessine un huis-clos saisissant autour de l’inqualifiable, le tout sans pathos et sans circonvolutions inutiles, avec quand même quelques petites pointes d’humour qui amènent quelques sourires chez les spectateurs (« Ils disent que je suis limitée. Ils se croient infinis alors ? »).

On y rit parfois, de ce rire qui veut balayer l’innommable, donc, mais on y admire aussi et surtout le jeu des comédiens, à commencer, évidemment par Géraldine Martineau : je la voyais pour la première fois sur scène mais avais beaucoup entendu parler d’elle après sa prestation dans Le poisson belge, de Leonore Confino : réputation amplement méritée, Géraldine Martineau livre ici une composition bien plus qu’épatante. Habitée par son personnage, sans tomber dans une quelconque caricature, elle réussit à donner la fragilité et l’innocence nécessaires à son personnage tout en ne cachant rien du coté provocant voire impliqué de la victime (« la deuxième partie, je l’ai appelée Sa bite »).

A ses côtés Antoine Cholet, s’il m’a paru plus transparent au départ, prend de plus en plus de puissance au fil de la pièce et devient lui cet homme ambigu, complexe, joueur, à la fois oiseau de proie et simple profiteur qui saute sur l’aubaine d’une jeune fille qui s’offre sans poser de questions. Pourquoi s’en poserait-il, lui, des questions ?

Mardi soir, j’étais totalement happée par ce texte et les deux comédiens. Mardi soir, je n’ai pas quitté des yeux ces deux-là, pour en sortir sonnée, à la fois perturbée et pensive : Catherine Schaub porte ce texte puissant à la scène avec brio, laissant ses comédiens l’habiter et donner vie à chacune de ses nuances. Comme dans le texte, elle se garde bien de porter ni ne prononcer aucun jugement, laissant le spectateur se débrouiller seul avec cette histoire et seul avec sa propre morale.

Pompier(s) de Jean-Benoît Patricot

Mise en scène Catherine Schaub

Avec Géraldine Martineau et Antoine Cholet

Théâtre du Rond- Point jusqu’au 13 octobre – 18h30

Réservations au  01 44 95 98 21

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