Galileo Galileissime
« Celui qui ne connaît pas la vérité, celui-là n’est qu’un imbécile. Mais celui qui la connaît et la qualifie de mensonge, celui-là est un criminel ». Ainsi parlait Galilée, mathématicien et physicien, qui au 17ème siècle a consacré sa vie à la science, observé le ciel et cru fermement aux théories coperniciennes sur l’héliocentrisme. Face à une église peu désireuse de reconnaître l’erreur ptoléméenne sur laquelle elle a bâti son pouvoir, à savoir que la Terre est au centre de l’univers et non le soleil, soumis aux pressions de l’Inquisition, Galilée pour échapper à la torture finit par se parjurer en 1633 et reconnaît comme seule Vérité que tout tourne bien autour de la Terre et non pas autour du soleil.
Brecht a fait de Galilée un homme presque comme les autres. Un scientifique passionné mais capable de douter, un scientifique obstiné mais capable de tout remettre en cause, un scientifique à la fois sincère et rusé, fasciné par les astres et en même temps très terre à terre, rationnel autant qu’irrationnel … un homme finalement très humain.
C’est cette humanité que Claudia Stavisky met aussi en exergue avec le choix de confier le rôle-titre à Philippe Torreton : le comédien incarne littéralement le scientifique, près de 3 heures durant. Difficile de qualifier sa prestation tant elle est totale, maîtrisée, investie. Roublard, passionné, tourmenté, excessif, épuisé, Philippe Torreton passe d’une facette à l’autre, occupe la scène et l’espace, tonitrue autant qu’il murmure, rit autant qu’il frémit. Une prestation qui, si elle est magistrale, n’en oublie pas pour autant ses partenaires : jamais Torreton n’écrase aucun d’eux. Au contraire, dans chacune des scènes – et il est dans toutes les scènes – il joue avec, partage, ne cannibalise jamais la scène, chose suffisamment remarquable pour être notifiée. A ses côtés, donc, une nuée de seconds rôle jamais écrasés : tandis que Nanou Garcia est épatante en Madame Sarti ou Marie Torreton est une fraîche Virginia, fille de Galilée, les autres comédiens se partagent les rôles : cet enchainement permanent, cette succession de personnages qui défilent au gré des scènes donnent vie et rythme à la mise en scène à la fois sobre et foisonnante de Claudia Stavisky.
La scénographie s’appuie sur un décor dépouillé : de grands murs sombres, un mobilier spartiate, un affichage lumineux qui indique avant chaque scène l’endroit et la période à laquelle elle se déroule. Une austérité seulement soulignée par les belles lumières de Franck Thévenon qui laisse la part belle aux comédiens et au texte. Et on l’entend, ce texte, qui résonne d’autant plus fort dans l’écrin savamment pensé par Claudia Stavisky. Si Brecht l’a écrit en écho à la montée du nazisme, ne fait-il pas écho aujourd’hui à l’obscurantisme des états face aux bouleversements écologiques annoncés par les scientifiques que l’on muselle pour des raisons économiques ou géopolitiques ? Philippe Torreton parlait, dans une interview, de Galilée comme d’un lanceur d’alerte. Claudia Stavisky, avec sa mise en scène judicieusement intemporelle, propose un texte d’une acuité et d’une vérité cuisantes, devenant, elle aussi, à travers son théâtre, lanceur d’alerte.
La Vie de Galilée texte de Bertholt Brecht
Mise en scène Claudia Stavisky
Avec : Gabin Bastard, Frédéric Borie, Alexandre Carrière, Maxime Coggio, Guy-Pierre Couleau, Matthias Distefano, Nanou Garcia, Michel Hermon, Benjamin Jungers, Marie Torreton, Philippe Torreton
Scénographie et costumes Lili Kendaka, Lumières Franck Thévenon, Création vidéo Michaël Dusautoy
La Scala, jusqu’au 9 octobre 20h30 dimanche 17h – Durée 2h30 sans entracte – réservations au 01 40 03 44 30 ou ici
Tournée :
Le Liberté Toulon (17, 1_ oct)
La Criée Marseille (5, 7 nov)
Equinoxe Chateauroux (11, 12 nov)
Célestins Lyon (15 nov – 1er déc)
Anthéa Antibes (17, 18 déc)
La Comédie Saint Etienne (8-10 janv 2020)
Maison de la Culture Nevers (17 janv 2020)
Le Quai Angers (23, 24 janv 2020)