Un Palace qui perd des étoiles
On va peut-être vous parler d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Palace, c’est avant tout une série culte, écrite et réalisée par Jean-Michel Ribes, avec, entre autres, Roland Topor et Richard Wolinski. Une succession de sketches brocardait allègrement la clientèle hypissime et snobissime d’un palace 6 étoiles. Totalement loufoques, délicieusement absurdes, toujours décalés, dialogues, situations et comédiens (et non des moindres, de Philippe Khorsand à Jacqueline Maillan passant par Valérie Lemercier, Valérie Benguigui, Marie-Pierre Casey, Jean Carmet, Darry Cowl….) désopilaient gaillardement et dézinguaient les zygomatiques des téléspectateurs.
Aujourd’hui, c’est au théâtre de Paris que Jean-Michel Ribes fait renaître son émission avec l’aide de Jean-Marie Gourio. On retrouve le même décor, de grandes structures mobiles imitant le marbre rutilant de l’escalier monumental de l’hôtel et ses murs albâtre, les mêmes uniformes bicolores du personnel, on retrouve le même refrain entrainant voire entêtant du générique télévisuel, les rubriques cultes (Appelez moi le directeur, Lady Palace, Service Rêves, le groom et son horloge….).
Et au départ, ça marche, le tout est énergique, les comédiens semblent s’amuser et le texte, toujours aussi décalé, fait mouche : on rit de bon cœur et on se dit que décidément, ce qui semblait un pari osé, va marcher… Et puis petit à petit, on rit moins. On continue de sourire, mais on devient de plus en plus passif au fil des scènes. Pourquoi ? Difficile à expliquer : si la délicieuse absurdité du texte fait encore rire, le sujet aujourd’hui parait daté, vieilli. Certes cette clientèle ultra-riche est ridicule et c’est souvent drôle, mais le traitement est éculé, dans une sauce très années 90 qui m’a semblé bien réchauffée, bien que certains textes aient été actualisés (on y parle des migrants). C’est dommage car les comédiens et danseurs assurent leur partition avec une belle énergie (bien que la majorité des chansons soient en play-back), et la mobilité du décor permet de passer d’un espace à l’autre de façon fluide et jamais pesante.
Alors, qu’est ce qui ne fonctionne pas dans ce Palace années 2020 ? Difficile de l’expliquer voire de mettre précisément le doigt dessus : la série marchait finalement aussi et surtout grâce à sa distribution de rêve et, malgré toute sa bonne volonté, la troupe actuelle sans démériter ne parvient pas à faire revivre la tonitruante folie ribienne. Et ce texte, absolument désopilant à bien des égards, devait-il ceci-dit être ressorti du placard ? Je crains qu’aujourd’hui, en étrillant avec autant de bien gentils clichés une population surannée on ne fasse rire que cette même population, celle qui a justement les moyens de payer le prix élevé des places de ce Palace. Bref, finalement, tout ça, ça sert à quoi ? Certainement pas à étonner la catastrophe par le peu de peur qu’elle nous fait.
Palace, d’après la série télévisée de Jean-Michel Ribes
Adaptation Jean-Marie Gourio & Jean-Michel Ribes
Mise en scène Jean-Michel Ribes
Chorégraphie Stéphane Jarny
Comédiens et Danseurs Salim Bagayoko, Joséphine de Meaux, Salomé Dienis-Meulien,Mikaël Halimi, Magali Lange, Jocelyn Laurent, Philippe Magnan, Karina Marimon, Gwendal Marimoutou, Coline Omasson, Thibaut Orsoni, Simon Parmentier, Christian Pereira, Alexie Ribes, Rodolphe Sand, Emmanuelle Seguin, Anne-Elodie Sorlin, Alexandra Trovato, Eric Verdin, Philippe Vieux, Ben Akl, Armelle Gerbault
Théâtre de Paris, jusqu’au 5 janvier 2020
Durée 1h50
Réservations au 01 48 74 25 37 ou ici