Sept ans de réflexion : préférons le 7ème art
Sept ans de réflexion est surtout présent dans les mémoires grâce au film de Billie Wilder et cette image, devenue célèbre, de Marylin Monroe et sa robe blanche se soulevant au-dessus d’une bouche d’aération. Billie Wilder adaptait alors la pièce à succès de George Axelrod, The seven year itch : je n’ai pas vu la pièce initiale et ai très peu de souvenirs du film, vu pendant mon adolescence. Je redécouvrais donc l’histoire la semaine dernière en me rendant aux Bouffes parisiens pour voir la mise en scène de Stéphane Hillel, sur une adaptation de Gérald Sibleyras.
L’histoire, donc, se déroule à New York. Pour fuir la chaleur étouffante de l’été, la femme et le fils de Richard Sherman partent dans le Maine. Resté seul dans son appartement, Richard songe à son passé de célibataire et la liberté qui était alors la sienne. La rencontre inopinée avec sa voluptueuse voisine va l’entraîner dans des affres de doute. N’est-il n’est-il pas temps de faire un bilan après sept ans de mariage ? Doit-il ou non succomber à cette tentation et devenir un homme infidèle ?
Billie Wilder aurait, dit-on, quelque peu édulcoré le côté subversif de la pièce de George Axelrod, (qui fut ceci dit le scénariste de son film). Il est vrai que nous avons ici, aux Bouffes Parisiens, une histoire fidèle à la trame originale : un quadragénaire encore fringant (Guillaume de Tonquédec) et sa voisine-vamp-encore candide (Alice Dufour) se rencontrent, l’une réveillant chez l’un son instinct reptilien de mâle séducteur. Mais l’honneur et la morale seront saufs, le mari, après quand même avoir fauté (c’est un vrai homme, ne l’oublions pas) rentrera dans les rangs en allant sagement retrouver Madame sur son lieu de vacances, la tête pleine de torrides souvenirs. La jolie voisine, qui est d’ailleurs nommée uniquement « The girl », se mettra en quête d’un mari et d’un avenir tout tracé de respectable femme au foyer. Que ce texte est daté ! Que cette histoire est périmée dans tout ce qu’elle contient de fausse morale pudibonde et de machisme consternant ! On pourrait passer outre ce côté vieillot si, à travers le texte, on pouvait palper le côté provocant de l’histoire : l’évocation, dans une époque puritaine, d’une liaison hors mariage, de la tentation qui peu à peu envahit et obsède le personnage de Richard, ses tergiversations, ses monologues avec lui-même et sa conscience… Mais ici, on n’a que des soliloques qui ressortent avant tout de façon comique et c’est là que le bât blesse : le tout reste léger, les pensées et hésitations des personnages (lui comme elle) sont utilisés comme des ressorts comiques et non dans leur sens premier : apporter ou en tout cas amorcer une réflexion de fond sur le sens du mariage et des relations sentimentales.
On objectera que nous sommes certes dans une comédie, mais celle-ci, sous la houlette de Stéphane Hillel, reste trop superficielle et peine à convaincre. Les comédiens eux aussi semblent se cantonner dans une interprétation très en surface : Guillaume de Tonquédec se contente de faire rire sans donner assez de profondeur à son personnage d’homme mature traversé par les doutes, sa seule peur semblant être celle de tout perdre, tout comme ses faux dialogues avec Aristote, symbole de sa conscience, n’introduisent que quelques rires et aucune réelle réflexion sur le fond. Alice Dufour, quant à elle, est malheureusement cantonnée dans un personnage de poupée voluptueuse aussi jolie que totalement creuse. Dans la scène où son personnage se demande si elle doit passer la nuit avec son voisin marié, son dialogue avec elle-même est matérialisé par la projection video d’une bouche joliment peinte, tandis qu’une bande son diffuse la voix de sa conscience : certes la scène semble respecter la mise en scène de George Axelrod où Pat Fowler donnait la réplique à Vanessa Brown, mais Alice Dufour aurait pu avoir là un joli moment de théâtre et un exercice bien plus consistant, sans assistance audio-video, pour faire passer les émotions et doutes qui traversent son personnage : dommage.
Que dire de plus ? Le décor chargé, prend trop de place et les projections video ne font qu’accroître sa densité : l’ensemble écrase cette proposition qui manque de rythme, où la forme surpasse le fond et qui semble se reposer uniquement sur son titre vendeur. Sept ans de réflexion aurait sans doute dû rester dans les cartons à souvenirs, ceux d’un film devenu culte, reflet d’une époque largement démodée.
Sept ans de réflexion, de George Axelrod
Adaptation Gérald Sibleyras
Mise en scène Stéphane Hillel
Avec : François Bureloup, Alice Dufour, Agathe Dronne, Jacques Fontanel, Clément Koch, Guillaume de Tonquédec
Théâtre des Bouffes Parisiens, jusqu’au 5 janvier 2020
Réservations au 01 42 96 92 42