Les souvenirs sont là pour étouffer
Un homme, une femme. Il est comédien, célèbre, reconnu. Elle surgit un soir en l’attendant dans sa loge. Il ne la connait pas, elle prétend n’avoir jamais vu ses pièces. Elle semble pourtant connaitre bien des choses de ce passé qu’il cache soigneusement. Un passé qui petit à petit, au fil de leur discussion, va ressurgir.
Une bien jolie histoire que ce drame écrit par Sébastien Biessy : deux personnages que tout sépare se rencontrent et vont revivre petit à petit un passé soigneusement enfoui. L’histoire, habilement construite, révèle par petits pans le passé trouble de Pierre de Roquefeuille, ce comédien français adulé des foules. Le tout est distillé au fil de scènes qui mêlent adroitement présent et passé en y conjuguant un bel hommage au théâtre, les deux personnages rejouant quelques scènes mythiques interprétées par le comédien. Au fil des temporalités croisées, le spectateur est embarqué sur un continent étranger et dans une autre époque jusqu’au dénouement final, inattendu. On ne s’y perd pourtant jamais grâce à la mise en scène suffisamment discrète pour laisser toute sa place à l’histoire mais qui sait habilement embarquer le public vers cet ailleurs et cet avant dont vient Pierre de Roquefeuille.
Les personnages rejouent donc quelques scènes du répertoire : hommage au théâtre donc, mais aussi malicieux clin d’œil au travail de la Compagnie de la Mansonnière, deux des extraits joués faisant partie du répertoire de la compagnie : Yves Chambert-Loir et Béatrice Biessy rejouent donc des scènes de leur propre répertoire : Cléanthis et Trivelin dans L’île des esclaves, Toinette et Argan dans Le malade imaginaire. Mais le clin d’œil s’arrête là et les deux comédiens font ici preuve d’une belle maturité de jeu, conjuguant un talent indéniable et une réelle complicité que l’on devine et qui les sert. Je connais depuis bien longtemps le travail de la Compagnie de la Mansonnière et fréquente depuis des années le Festival de Théâtre de Maisons Laffitte, organisé par Sébastien et Béatrice : je suis donc le travail de Béatrice Biessy depuis longtemps et je n’avais aucun doute sur sa capacité à interpréter un personnage plus dramatique : elle le prouve ici haut la main.
Le tout compose un bien joli moment de théâtre, autour d’une histoire touchante toute en émotions et retenue, portée avec sincérité et conviction par ses deux comédiens.
Vous qui passez sans me voir, texte et mise en scène Sébastien Biessy
Avec Béatrice Biessy et Yves Chambert-Loir
Theo-Théâtre, tous les vendredis à 21h jusqu’au 20 décembre, relâche le 13 décembre
durée 1h15