
Gulliver ou le voyage baroque et facétieux imaginé par Valérie Lesort
On connait déjà le talent de la plasticienne Valérie Lesort et ses créations baroques. On connait depuis 20 000 lieues sous les mers la créativité dont le duo qu’elle forme avec Christian Hercq fait preuve. Après La Mouche et Le bourgeois gentilhomme, les voici encore réunis, cette fois-ci pour une adaptation du roman fantastique de Jonathan Swift.
Entre satire sociale, conte philosophique et farce politique, l’histoire (censurée à sa parution en 1726) imaginée par Jonathan Swift raconte le voyage de Gulliver sur plusieurs îles du Pacifique où il découvrira des sociétés imaginaires, peuplées d’êtres extravagants (minuscules ou géants, chevaux supérieurement intelligents ou habitants d’une île volante). Valérie Lesort se concentre ici sur la partie des Lilliput et ses habitants minuscules, en guerre contre les habitants de Blefescu (tout aussi minuscules) pour une sombre histoire d’œuf à la coque.
Il y avait beaucoup d’enfants ce dimanche après-midi au théâtre Athénée Louis Jouvet et on les a beaucoup entendus rire devant ce conte délicieux où le plaisir visuel est tout aussi vif que l’humour du texte. Mais il sera honnête de dire que les adultes ont tout autant ri et savouré encore plus la causticité subtile du conte, la férocité de la farce swiftienne que Valérie Lesort n’oublie pas de mettre en exergue. Plaisir des yeux et de l’esprit, le voyage de Gulliver est un ravissement constant où les marionnettes hybrides imaginées par la plasticienne deviennent des personnages hauts en couleur toujours justement interprétées – et manipulées -par une jolie brochette de comédiens : Emmanuelle Bougerol (impayable en reine Cachaga), David Alexis, Valérie Kéruzoré, Thierry Lopez, pour ne citer qu’eux, se fondent dans les superbes marionnettes imaginées par Carole Lallemand et Fabienne Tourzi dit Terzi, tandis que Renan Carteaux incarne Gulliver, seul personnage non figuré par une marionnette. Ils parviennent tous à nous faire oublier la technicité, pourtant bien réelle, du spectacle en nous embarquant avec eux dans un voyage baroque et facétieux.
Plaisir des yeux, donc, pour les petits comme pour les grands ; plaisir du texte, tant on le réentend avec jubilation ; plaisir des oreilles, aussi, car plusieurs chansons viennent rythmer le tout avec des mélodies fichtrement rock, aussi inattendues qu’hilarantes. Le couple Lesort-Hecq réussit ici un fort joli conte-spectacle, aussi pétillant que mordant, aussi drôle qu’inventif, aussi coloré que savoureux.
Le voyage de Gulliver, d’après Jonathan Swift. Mise en scène de Valérie Lesort et Christian Hecq
Théâtre Athénée Louis-Jouvet jusqu’au 18 janvier.
Assistant à la mise en scène Florimond Plantier
Création et réalisation des marionnettes Carole Allemand, Fabienne Tourzi dit Terzi
Scénographie Audrey Vuong
Lumières Pascal Laajili
Musique Mich Ochowiak, Dominique Bataille
Avec David Alexis, Valérie Keruzoré, Valérie Lesort / Emmanuelle Bougerol, Thierry Lopez, Laurent Montel, Pauline Tricot, Nicolas Verdier, Eric Verdin / Renan Carteaux




