Impeccable et implacable Huis Clos de Jean-Louis Benoit

Pascal Victor
Le théâtre de l’Atelier se transforme en antichambre de l’enfer cet hiver, mais cet enfer devient un bonheur sous l’égide de Jean-Louis Benoit. S’emparant de l’œuvre sartrienne, il embarque le spectateur fasciné dans ce huis-clos tragico-existentialiste où trois personnages vont l’un après l’autre arriver en enfer, enfer qui a tout du salon bourgeois : trois canapés, une cheminée, une statuette en bronze… On y arrive par une porte ancrée au milieu du vide : on n’en sort pas, derrière il n’y a rien. Dehors il n’y a plus rien, ces deux femmes et cet homme semblent condamnés à rester ensemble pour l’éternité, jour et nuit. Mais en réalité il n’y pas plus de nuit, ils ne dormiront jamais, condamnés à vivre sans même le sommeil comme échappatoire.
D’abord Garcin, qui se prétend journaliste pacifiste, il a été fusillé pour désertion.
Ines, l’employée des postes homosexuelle qui revendique fièrement son altérité. Elle s’est suicidée au gaz.
Enfin, Estelle, mondaine et méprisante, est décédée des suites d’une pneumonie.
Ces trois-là, dans ce salon feutré et sans miroir, sans fenêtre et sans issue, n’auront que le regard de l’autre pour se voir enfin tels qu’ils sont vraiment : lâches, cruels, meurtriers…
Jean-Louis Benoit ne s’embarrasse pas d’effets qui seraient bien inutiles et laisse la place au texte, à ses méandres, à ses non-dits, à sa puissance. Appuyée par les très belles lumières de Jean-Pascal Pracht, la mise en scène s’appuie et se concentre sur les mots de Sartre et sa direction d’acteurs est d’une précision d’entomologiste. Maxime d’Aboville est un Garcin tour à tour hâbleur et lâche, oscillant entre dédain et résignation. Marianne Basler est une Inès provocante, agressive, malheureuse. Quant à Mathilde Charbonneaux elle campe une Estelle frivole qui se révèlera cupide et monstrueuse.
Tous, sous la direction de Jean-Louis Benoit, parviennent à osciller crescendo entre légèreté et tension : ces trois-là vont se connaître, s’affronter, se provoquer, se jauger, se haïr, jusqu’à comprendre qu’ils sont tous le bourreau de l’autre mais aussi leurs propres bourreaux. Que leur éternité ne sera faite que du seul regard de l’autre, miroir de leur propre monstruosité. L’enfer c’est les autres mais c’est aussi soi-même.
Une réussite.





Huis clos, de Jean-Paul Sartre, Mise en scène Jean-Louis Benoit
Théâtre de l’Atelier, jusqu’au 18 mars . durée 1h20.
Avec : Maxime d’Aboville en alternance avec Guillaume Marquet, Marianne Basler, Mathilde Charbonneaux, Anthony Cochin en alternance avec Brock
Collaboration artistique Anthony Cochin