Exécuteur 14, de Adel Hakim – MES Tatiana Vialle, Théâtre 14

Giovanni Cittadini Cesi

De larmes et de sang : l’homme est un monstre comme les autres

C’est dans un pays imaginaire que Adel Hakim raconte une histoire de haine et de folie, une histoire écrite dans le sang d’hommes et de femmes devenus combattants. Dans ce pays, les Adamites et les Zélites cohabitent et se jaugent, deux parties d’un même peuple qui vont apprendre à se haïr. Les racines de cette haine sont floues, on ne sait pas pourquoi on se hait. Le narrateur, jeune Adamite, regarde cette communauté de loin sans vraiment s’y attarder, jusqu’au jour où lui et sa petite amie s’en approchent un peu trop.

Enchainement, escalade, vengeance, le texte de Adel Hakim transporte le spectateur dans une spirale de haine qui conduit un jeune homme aux portes de l’horreur. Pour porter ce récit, le comédien Swann Arlaud, dirigé par sa mère Tatania Vialle, se transforme peu à peu. Tout en étant toujours très sobre, il défile petit à petit la pelote d’une vie et d’un enfant devenu guerrier. Il raconte : les mots âpres et hachés (le style est simple, les mots anglais s’invitent au détour des phrases ‘no hope’, ‘klashinks » pour kalash,…) viennent faire naître les images dans l’esprit du spectateur. Et dans ce décor presque vide, on se projette dans un champ de ruines, dans une cave, contre un véhicule criblé de balles… La très belle lumière de Christian Pinaud sculpte, cisèle, découpe le visage du comédien et cet univers imaginaire devient bien réel, presque palpable.

Aux cotés de Swann Arlaud, le musicien Mahut invente lui aussi une musique, un souffle, des notes, des soupirs qui accompagnent le récit. Le tout est aussi beau que douloureux, mais la mise en scène justement minimaliste de Tatiana Vialle permet de garder la distance nécessaire pour entendre ce récit.

Exécuteur 14 résonne douloureusement avec l’actualité en Europe. Alors que la guerre et ses horreurs, ses perversités et ses démons sont aujourd’hui à nos portes, le récit d’Adel Hakim vient témoigner de ce que l’homme peut faire quand il est guidé par la haine et la colère. Cet homme devenu monstre, passé de victime à bourreau, pourrait être tapi en chacun de nous et se réveiller brusquement, perdre petit à petit toute trace d’humanité. Un texte troublant et douloureux, et pourtant essentiel en ces temps.

Exécuteur 14, de Adel Hakim

Mise en scène Tatiana Vialle, avec Swann Arlaud, en présence de Mahut

Lumières de Christian Pinaud

Théâtre 14, jusqu’au 16 avril

1h20

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